CASTOR D’EUROPE.
I l est peu de voyageurs dans la partie septentrionale de notre hémisphère qui
n aient rencontré, des Castors. L’Amérique fait un commerce considérable de leur
fourrure. Chardin assure qu’il s’en trouve en Mingrelie, Isbrands-IdeS en Chine;
ils abondent dans tout le nord de l’Europe et de l’Asie : en Suède, en Sibérie,
au Kamtschatka ; les bords de nos rivières en nourrissent ; on assure même qu’il
en existe en Afrique, et cependant malgré les régions variées qu’habitent ces
animaux, et les influences diverses sous lesquelles ils y vivent, les naturalistes
n’ont encore pu eh former qu’une seule espèce. Il est peu vraisemblable qu’il en
soit de même pour la nature; mais l’espèce du Canada étant la "seule qui ait
été .étudiée avec soin* c’est à elle qu’on a rapporté toutes les notes sur les
Castors, qui se trouvent éparses dans les observations d’histoire naturelle ou dans
les voyages. Il paraît, d’ailleurs, que tous les Castors ont à peu près le même genre
de vie, et que leur pelage est généralement d’un brun plus ou moins foncé; or,
lorsque les. genres sont tres-naturels, on est souvent obligé de chercher les caractères
spécifiques dans des parties cachées et bien moins extérieures ou plutôt bien
moins sensibles que les couleurs du pelage.
Quelques naturalistes ont pensé que la disposition à se construire des huttes au
bord des lacs ou des rivières était exclusivement propre au Castor d’Amérique, et
que le Castor d’Europe était privé de cette faculté et porté à vivre solitaire ; mais
nous verrons bientôt qu’il n’en est point ainsi, et que nos Castors de France,
comme on lavait déjà observé pour ceux d’Allemagne, sont aussi invinciblement
portés à construire que ceux d’Amérique. Ce ne serait donc pas non plus dans leurs
dispositions instinctives qu’il faudrait chercher leurs caractères spécifiques.
Nous trouvons des caractères plus prononcés par la comparaison des formes
détaillées de la tête. L ’individu des bords du Rhône, que nous devons décrire ici,
et dont nous donnons la figure, est d’un sixième plus grand qu’un Castor du Canada
plus âgé que lui. Sa tête, vue de profil, au lieu de présenter une ligne courbe
assez uniforme de l’occipital au bout des os du nez, présente une digne presque
droite, infléchie dans sa partie moyenne ; ses crêtes sagittales et occipitales sont
très-saillantes, l’arcade zygomatique large et fort rabaissée ; toute la partie cérébrale
très-allongée en arrière, et les os du nez s’avancent fort au-delà'de l’apophyse
orbitaire du frontal. Dans la tête du Castor d’Amérique, au contraire, toutes ces
parties sont remarquablement moins développées : aussi ces deux têtes présentent,
au premier regard, des différences assez sensibles, et qui, si elles sont constantes,