LE DAMAN D’ÉTHIOPIE.
Notre Daman avait toute la physionomie et toutes les allures d’un rongeur de la ,
famille des Loirs, des Spermophiles ou des Cloromys; et lorsque Pallas fit un Cavia
de celui qu’il connaissait, il n’y fut sans doute pas moins déterminé par la considération
des formes générales, que par le nombre des incisives. Cette raisofl ne fut
sans doute pas moins puissante pour engager Hermann à laisser le Daman parmi les
rongeurs, tout en faisant un genre à part, sous le nom d’Hyrax. A cette époque la
science n’était point encore assez avancée pour trouver ou non, dans 1 organisation
intérieure, la confirmation des idées qui avaient pu naître des apparences extérieures:
aussi les véritables rapports du Daman n’ont-ils été reconnus que quand on commença
véritablement à appliquer l’anatomie à la zoologie. Mon frere et M. Ueoflroi
Saint-Hilaire réunirent cet animal aux paquidermes, en le rapprochant des Rhinocéros;
et malgré les caractères qui l’en séparent encore, il est certain qu’aujourd’hui
ces analogies avec ces derniers animaux sont plus nombreuses qu’avec ceux
d’aucun autre ordre et d’aucun autre genre, et qu’il gardera la place qu’il occupe
tant que nos richesses mammalogiques ne changeront pas. Un des traits les plus
remarquables du Daman, comme paquiderme, est sa petite taille; il égalé a peine
celle du Lapin, et les plus petites espèces de cet ordre, les Pécaris, Tajaçus, sont
cinq ou six fois plus grands que lui.
La longueur de celui que je possède, du bout du museau à la partie postérieure
du corps, dans l’attitude où nous le représentons, est de dix-huit pouces; sa tetê
a six pouces, et sa hauteur moyenne est de dix pouces.
Tous ses mouvemens sont vifs et brusques, et il se meut, pour l’ordinaire, en
soulevant alternativement son train de devant et son train de derrière, à peu près
comme les Lièvres. Ses pieds antérieurs sont plus courts que les postérieurs, et ! un
et loutre sont très-musculeux. Il est fort actif, et va furetant partout, conduit
par son odorat; il cherche à se glisser dans les plus petites ouvertures et à penetrer
dans les plus étroits passages, où il aime à se tenir caché. La chaleur paraît lui
être fort agréable; il s’étend et e x p o s e alternativement toutes les parties de son
corps au soleil le plus ardent ; et lorsque le temps est froid ou humide, g s’enveloppe
et se cache dans le foin, qui lui sert de litière. Il est apprivoise, mais il ne paraît
pas plus rechercher que fuir ceux qui l’approchent: il reçoit les caresses sans y
répondre, et il n’aime pas à être tenu dans les mains; c’est pour lui une sorte de
captivité, et la captivité le fait souffrir : cependant il ne se défend pas violemment, et
quoiqu’il menace de mordre, il ne mord pas. Jamais il n’a fait entendre qn un petit
sifflement bref, et seulement quand il était contrarié. Sa vie est toute diurne; .1
emploie'une grande partie de son temps à lustrer son pelage, et >1 se gratte avec
l’ongle du doigt interne de ses pieds de derrière. On le nourrit de pain, de racines,
de fruits, d’herbes, et il mange de tout assez indifféremment; il boit peu, et le fait
en humant. C’est, à ce qu’il paraît, un animal assez peu intelligent; onthra.t, du
moins, qu’il reste étranger à ce qui se fait autour de lui, si nen ne 1 effraie: la
voix, pas plus que la présence de celui qui le nourrit, ne paraît le toucher. C est
la liberté qu’il recherche avant tout; tant qu’il est enfermé, il s’approche volontiers
de ceux qui lui tendent la main, il se prête aux caresses, mais dès que sa cage est
ouverte, il s’impatiente contre tout ce qui le gêne.
C’est une espèce entièrement herbivore : aussi le système organique de laii-
mentation a-t-il de très-grands rapports avec celui des Rhinocéros. Les dents sont
au nombre de trente-quatre : seize à la mâchoire supérieure, cest-a-dire, deux
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incisives et quatorze mâchelières, et dix-huit à la mâchoire inférieure, ou quatre
incisives et quatorze mâchelières. Les incisives supérieures' consistent en une
■ Ü W e,‘ fort ai8uë> « 1« mâchelières, qui vont en augmentant
de la première à la demiere, sont formées de deux colines tranverses, réunies
par un prolongement de leur extrémité correspondante au côté externe de la dent
Les incisives inférieures sont tranchantes, et leur tranchant est oblique ; lesmâche-
heres, qui vont aussi en augmentant de grandeur de la première à la dernière, se
composent de deux croissans, dont la partie concave fait leur face externe (1). Les
pieds de devant ont quatre doigts très-obtus, intimement réunis l’un à l’autre jus-
quaux ongles, et de telle sorte qu’aucun mouvement partiel sensible ne leur est
possible . les ongles sont plats, et ne dépassent pas l’extrémité du doigt; et la paume
des H j — H t i q u e s , au nombre de sept, quatre à l’extrémité
des doigts, un intermédiaire aux deux du côté interne et deux parallèles à sa partie
posteneure Les pieds de derrière ont trois doigts : l’interne est libre jusqu’à la
IB R B i tü H ongIe aigu et anïUé’fort ÜÊ; le Hfl qui H le plus long, a sa dernière phalange entièrement libre, mais son ongle est plat et
obtus, et le troisième doigt, très^ourt, est attaché dans toute sa longueur au précédent,
et n a également qu’un ongle plat et obtus. Ces trois doigts sont garnis dans
toute leur longueur de tubercules épais; après eux en vient un, aussi large que
ong, qui garnit toute la largeur du tarse, et en arrière de celui-ci en naît un dernier
long et étroit, qui se prolonge jusqu’au talon. II n’y a point de queue.
erand l ü P“ "* P'US ü *6S B™« mouvement favorisés par un
grand développement organique. Les yeux assez grands, contre l’ordinaire des
paquidermes, ont une pupille ronde et deux paupières seulement, mais très-mobiles
L oreille, dont la conque est simple et arrondie, n’a que trois légères tubercules
qui paraissent correspondre aux tragus et au prolongement interne de l’helix. Les
narines qu, dépassent de beaucoup la bouche, sont ouvertes sur les côtés d’un
tres-petit mufle. La langue est douce et peu extensible, et le pelage semble être de
nature laineuse, a exception de quelques poils isolés répandus sur tout le corps
lisses et fort longs, qui sont soyeux. Enfin l’on trouve des moustaches sur les côtés
du museau sur les yeux, sous la mâchoire inférieure, sur les côtés des joues et sur
le coude. Ainsi le Daman est le seul paquiderme qui soit pourvu d’un mufle proprement
dit, et de moustaches; et nous devons faire remarquer que les moustaches du
simple.0^ " 68 génitaUX feme“ eS dC n0tre Daman COn™ dans ™ orifice fort
Toutes les parties supérieures du corps sont d’un brun-grisâtre, et les parties
inférieures sont blanches; entre ces deux couleurs se voient des teintes jaunâtres
la tete ainsi que les pattes sont un peu plus grises que le corps. Toutes le^
■ I e U6S f ° nt I nOI'"Violâtre' ToUS les P° iIs colorés s° nt gris sale ou fauve, blancs et noirs. couverts d ’anneaux
Notre Daman est désigné dans les Catalogues méthodiques, où il est considéré
comme espece distincte de celui du Cap, par le nom de Syriacus.
(1) Des Dents des Mammifères considérées comme caractères zoologiques, pl. 89, p. 218.
Novembre 1826.