/ ÉLÉPHANT D’ASIE.
sort maître sa reconnaissance pour les bienfaits, son ressentiment pour les injures|
qualités qu’il possède en effet, mais qui lui sont communes avec le Chien et avec
d’autres animaux; ils allaient jusqu’à' lui prêter les raisonnemens les plus subtils,
et même une sorte de èeligion; un culte et des offrandes à la lune, des prières a la
terre lorsqu’il- est malade, et des vertus bien rares parmi les hommes , une fidélité
conjugale inaltérable, et ùrfrefus constant de se faire le ministre de l’injustice. Les
Indiens prétendent qu’ils se font entendre des Éléphans; et qu’ils les gouvernent
par des- passions semblables à celles qui 'agissent sur nous, l’amour de la parure
et même celui de la simple louange, Les voyageurs, flattés d’avoir a parler d un
être aussi, merveilleux, ' ont adopté trop facilement les récits de ces peuples grossiers
et les naturalistes se sont trop empressés de copier les voyageurs. Il est certain,
du moins, que l’Éléphant, obsèrvé par des hommes sages et exacts, est beaucoup
déchu de la hauteur où-on l’avait placé par rapport é ses Êcultes intellectuelles.
Cet animal, malgré la grosseur de sa masse, ne manque pas de légerete dans
ses mouvemens. Il a un trot assez prompt, et atteint aisément un homme à la
course; mais'comme il ne péut se tourner-rapidement, on lui échappe en se
portant de côté t les chasseurs parviennent aussi à le tuer én 1 attaquant par derrière
et par les flancs. Il remué'les oreilles en courant, eï ort a prétendu quil
les emploie quelquefois ’ pour se dirigêr, en étendant celle "du côte ou il veut
tourner, et présentant par là une résistance plus grande S l’air. Il a peine a descendre
les pentes trop rapides, et il est obligé de ployer alors ses pieds de dernere pour
ne pas être emporté par la masse de sa tête et de ses defenses.-^
« Les Romains ont eu des Éléphans qui dansaient et qui avaient appris a marcher
rapidement parmi des hommes couchés, sans en blesser aucun ; ils en ont eu meme
qui ont dansé sur la corde , ce qui serait presque incroyable* si plusieurs auteurs
dignes de foi n e 's ’accordaient à Taffirmen
« Le corps dé cet animal étant plus léger que l’eau, il traverse tres-âisement les
rivières à l a nage, et n’a pas- b e s o i n , .comme le disent les anciens, de marcher
sur leur fond en élevant sa trompe vers la surface pour respirer.
<C II préfère les lieux-humides et couverts, et le bord des fleuves a tout autre
séjour i l’excès du chaud ne le- fait pas moins souffrir que’ celui du froid, Il a
un besoin continuel de l’humidité pour ramollir sa pêàu dure, ridee, et sujette
à se fendre-et à s’excorier; non-seulement il prend sans cesse de. 1 eau dans sa
trompe, dont il asperge son dos, son plus grand plaisir est de s’y plonger, de s y
jo u e r deimille manières; il aime aussi à se poudrer de poussière fraiehe, de brins
d’herbe, de paille. ' . .. .
« Sa nourrilure ordinaire consiste én herbes, en racines, én jeunes branches ; il aime
par-dessus tout les fruits e t les plantes sucrées, comme la canne à sucre et le mais.
« L ’instinct naturel des Éléphans les porte à la société :■ ils se-tiennent en grandes
troupes dans l’intérieur des forêts, dont ils ne sortent que rarement, et lorsqurt
s’agit de dévaster quelques champs Voisins dé leurs lisières. Ces troupes ou hardes
comprennent depuis quarante-jusqu’à cent individus de tout âge et de tout sexe; 1 s
marchent sous la conduite d’une des plus grandes et des plus v.eilles femelles , e
d’un des plus grands mâles ; lorsqu’ils sortent des bois ou qu’ils remarquent quelque
apparence de danger, ils observent un ordre de marchefféterfnme; les plus jeunes
et les femelles sont placés au milieu ; les vieux mâles forment un cercle autour; es
petits viennent se mettre sous la protection des femelles qui les embrassent de leur
trompe. ‘
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« On voit aussi quelques Éléphans solitaires : les, Indiens les nomment Grondahs;
ce sont toujours des maies, et on croit qu’ils ont été chassés des hardes par la jalousie
des .autres individus de leur sexe; Us ont une sorte de fureur qui les rend beaucoup
plus dangereux que les autres.; ils sortent très-souvent des bois, attaquent les.hommes
sans en être provoqués, dévastent les ehamps, renversent les huttes,-des paysans,
tuent le bétail ; les fermiers sont obligés :de faire la garde contre eux, dans des, guérites
qu’ils se construisent exprès en bambou, pour n’être pas eux-mêmes la proie
des Tigres. Lorsqu’ils aperçoivent un de ces Éléphans , ils se donnent réciproquement
l’alarme, et le repoussent à force de cris et de coups d’armes à feu. Qu.and
ces animaux pénètrent-dans les villages, ils y font des dégâts affreux : la flamme est
le plus sûr moyen de les faire fuir. Les Éléphans qui vivent en troupes ne sont
dangereux que quand on les irrite, et un homme peut passer auprès d’eux sans
qu’ils y fassent attention.
« On a été long-temps dans l’ignorânce sur tout ce qui à rapport à la reproduction
de cette espèce. Les Éléphans domestiques ne s’accouplent point pour l’ordinaire,
et les sauvages ne s’accouplent que dans le fond des bois et .hors de la vue d e j’homme.
On a attribué long-temps cette retenue à une pudeur virginale, ou Hu désir de ,ne
point léguer leur esclavage à leur postérité, et on a suppléé d’imagination les -détails
dont l’observation n’avait pu instruire. De là les erreurs répandues sur la. posture
dans laquelle ils s’accouplent, sur la durée de leur gestation, sur la manière dont
le petit tète, et autres semblables*
« Un Anglais, M. Corse, en donnant à des Éléphans une nourriture échauffante,
et en les présentant à propos l’un à l’autre, a réussi .à être' plusieurs fois témoin
de leurs accouplemens, et il en a observé avec soin les circonstances et les suites. ,
« Cet accouplement est entièrement semblable à celui du cheval et dure à peu près
autant de temps. Il n’y a point de saison particulière pour .l’amour ; les femelles
que l’on prend pleines mettent bas jen toutes sortes de mois. Le principal signe-de
la chaleur dans la femelle, selon ce que. nous avons observé sur celle de la ménagerie,
est un déplacement, singulier de la vulve. Dans l’état ordinaire cette partie
est située plus vers le nombril, et l’urine se dirige en avant ; mais dans le temps
dont nous parlons, elle change de position, se porte petit à petit en arrière et-y
fait jaillir l’urine. C’est ce qui explique pourquoi la femelle n’a pas besoin de se coucher
sur le dos, comme on l’a cru long-temps. Les-lèvres de la vulve sont aussi alors
fort longues et fort ouvertes. Le mâle ne donne d’autres signes de chaleur que des
érections fréquentes ; sa verge s’allonge tellement qu’elle traîne presque à terre, et
elle a six ou huit pouces de diamètre. Ceux qui ont prétendu qu’elle n’était point
proportionnée à la grandeur de son corps, ne l’avaient sans doute*jamais vue dans
cet état.
« On avait cru que l’écoulement d’une humeur visqueuse, qui a lieu par les trous
situés derrière ses oreilles, était aussi un indice de rut > cette opinion n’a rien d’exact.
« La femelle de M. Corse donna des signes de grossesse trois mois après avoir été
couverte; ses mamelles s’enflèrent, et elle mit bas un jeune mâle, bien à terme,
au bout de vingt mois et dix-huit jours. Ce qu’on a observé sur les femelles sauvages,
prises pleines, donne aussi lieu de croire que le temps de la gestation est de
vingt à vingt-deux mois. Marcel Bles a donc eu tort en annonçant qu’il n’était que
de neuf, et quelques anciens en ne l’étendant qu’à dix-huit. Le .petit naissant a
trois pieds de haut et tous ses sens sont ouverts : il. tète certainement avec la
bouche, et non avec la trompe, comme on l’a cru long-temps; il applique sa bouche