4 ORATEf G -O U TÀN .G F EM E L L E .
.ses actions étaient indépendantes et les ^impies effets’de sa volonté, ou du moins
de sa nature, et ce sont ces actions qui vbnt nous-occuper.
La nature n’a donné aux Qrangs-Outangs qu’âisezs.peu de. moyens de défense.
Après l’homme, c’est peut-être l’animal qui trouve dans son. organisation les plus
iàibles ressources contre lès dangers ; mais il aide- plus que nous une extrême facilité
à grimper aux arbres, et à fuir ainsi les ennemis qu’il ne peut combattre. Ces
seules considérations suffiraient pour faire présumer que la nature a doué l’Orang-
Outang de beaucoup de circonspection. En effet, la prudence de cet " animal s’est
montrée dans toutes ses actions, et principalement dans celles qui avaient pour but
de le soustraire à quelques dangers. Cependant sa vie paisible et douce, tant qu’il
a été sous mes yeux, et l’impossibilité de le soumettre à des expériences rigoureuses
dans l’état .de faiblesse »où il était, m’ont empêché de multiplier en ce genre mes
observations*/mais aidé de celles qui ont été faites par M. Decaen, pendant la traversée
de l’Ile-de-France enjiurope., nous parviendrons, à...prendre_uq.e^idée assez
exacte de ses --facultés-intellectuelles.
Pendant les premiers jours de son embarquement, cet Orang-Outang montrait
beaucoup de défiance en ses-propres moyens, ou plutôt ne pouvant apprécier la
cause du roulis, il s’en exagérait les dangers* Il ne marchait jamais sans tenir fortement
en ses mains plusieurs cordes ou quelque autre chose attachée au vaisseau ;
il refusa constamment de monter aux mâts, quelque encouragement qu’il reçut des
personnes de l’équipage, et il ne fut poussé à le faire que par la force d’un sentiment
ou d’un besoin que la nature semble avoir porté dans cette espèce à un trè’s-
haut legré de développement : celui de l’affection. Notre animal en ressentait
contta „ment les effets, et il doit sûrement conduire les. Orangs-Outangs à vivre
en soch> é et à se défendre mutuellement quand quelques dangers les menacent,
comme le "ont tous les autres animaux qui sont portés par leur nature à vivre réunis.
Quoi qu’il i soit, notre Orang-Outang n’eut le courage de monter aux mâts que
lorsqu’il eu u M. Decaen, son maître, y monter lui-même ; il le suivit, et dès ce mo-
mentril y*m» ita seul chaque fois qu’il en éprouva le désir : l’expériéncedieureuse qu’il
avait faite lut InnnnTnssêz rifrCTwfla.nne. fin gf»s_proprf»s forceps pour q u’il osât lajcépéter.
Les moyens employés par les Orangs-Outangs pour se défendre sont en général
ceux qui sont communs à tous les animaux timides : la ruse et la prudence; mais
tout annonce que les premiers ont une force de jugement que n’ont point la plupart
des autres, et qu’ils l’emploient dans l ’occasion pour éloigner des ennemis plus forts
qu‘ <ux. Notre animal, vivant en liberté, avait coutume, dans les beaux jours, de se
trai porter dans un jardin où il trouvait un air pur et les moyens de se donner
quî ! ues mouvemens : alors il grimpait aux arbres et se plaisait à rester assis entre
les b.anehes. Un jour qu’il était ainsi perché, on parut vouloir monter après lui
pour 'e prendre ; mais aussitôt il saisit les branches auxquelles on s’accrochait
et les secoua de toute sa force, comme si son.intention eût été d’effrayer la personne
cmi faisait semblant de monter. Dès qu’on se retirait il cessait de secouer les
brancl. , mais il recommem- lit dès qu’on paraissait vouloir monter de nouveau,
et il ac npagnait ce geste de tant d’autres signes d’impatience ou de crainte, que
son int §5 on d’éloigner par le danger d’une chute ou par une chute même celui
qui mer it de le prendre fui évidente pour toutes les personnes qui se trouvaient
en ce m» mt-l'à près de. lui. Cette expérience „q u i a été tentée plusieurs fois, a
toujours o les mêmes résultats.
ORANG-OUTANG, FEMELLE. - 5
Souvent il se trouva fatigué des nombreuses visites qu’il recevait ; alors il se
cachait entièrement dans sa*©ouverture , et n’en^ sortait que lorsque les curieux
s’étaient retirés; jamais il n’agissqlrainsi qîiand il notait entouré que des personnes
qu’if connaissait, g
C’est à ces„seujscfaits que seffiornent nos observations surjes moyens des Orangs-
Outangs pour se défendre; mais ils suffisent, je pense, pour convaincre*que ces
animaux peuvent supjfôéer par les ressources de leur intelligence à celles qu’une
faible organisation physique leur refuse.
Les besoins naturels de ces quadrumanes sont si faciles à satisfaire, qu’ils
doivent trouver dans leur organisation assez de moyens pour ne pas être obligés
d’exercer fortement,* sous ce rapport, leurs autres facultés. Les fruits sont les
alimens principaux dont ils se nourrissent, et, comme nous l’avons v u , leurs
inembres sont essentiellement conformés pour grimper aux arbres. Il est donc vraisemblable
qu§, dans leur état de nature, ces animaux emploient beaucoup plus
leur intelligence A écarter les dangers qu’à chercher les objets de leurs besoins.
Mais tousdeurs rapports doivent nécessairement changer dès qu’ils se trouvent dans
la société et sous la protection des hommes : leurs dangers.diminuent et leurs
besoins Vaccroissent. C’est ce que nous montrent tous les animaux domestiques, et
ce que devait, à plus forte raison, nous montrer notre Orang-Outang. En effet, son
intelligence a eu beaucoup plus d’occasions de s’exercer pour satisfaire ses désirs
que ’ pour le soustraire aux dangers» Je dois placer dans cette première division un
phénomène qui pourrait tenir à l’instinct, le seul à*peu près de ce genre que cet
animal m’ait offert. Tant que la saison ne permit pas de le làisser sortir, il avait une
coutume singulière, et dont il aurait *été difficile de deviner la cause : c’était de
monter sur un vieux bureau pour y déposer ses excrémens ; mais dès que le printemps
eut ramené la chaleur et qu’il fut libre de sortir de l’appartement, on trouva
la raison de Cette action bizarre : il ne manqua jamais de monter à ün arbre pour
satisfaire aux nécessités de cette nature : on a même souvent employé ce moyen
avec succès Ôontre sa constipation habituelle. 8»
Nous avons déjà vu qu’un des principaux besoins de notre Orang-Qutang était de
vivre en société et de s’attacher aux-personnes qui le traitaient avec bienveillance.
Il avait pour M. Decaen une affection presque exclusive, et il lui en donna plusieurs
fois des témoignages remarquables. Un jour cet animal entra chez son maître, pendant
qu’il était encore au lit, et dans sa joie il se jeta sûr lu i, l’emJjrassa avec force, et
lui appliquant ses lèvres sur la poitrine, il se mit à lui tetter la peau comme il faisait
souvent le doigt des personnes qui lui plaisaient. Dans une autre occasion , cet
animal donna à M. Decaen mne preuve plus fofte encore de son attachement. Il avait
l’habitude de venir à l’heure des repas, qu’il connaissait fort bien, demander à son
maître quelques friandises. Pour cet effet, il grimpait par derrière à la chaise sur
laquelle M. Decaen était assis, de sorte qu’il ne pouvait le voir, de,manière à le
reconnaître, qu’aprèsoêtre arrivé à la partie la plus élevée du dossier de cette chaise ;
là perché, il recevait oe qu’on voulait bien lui donnçr. A son arrivée sur les côtes
d’Espagne, M. Decaen fut obligé d’aller à terre, et un autre officier du vaisseau le
remplaça à table ; l’Orang-Outang, comme à son ordinaire, entra dans la chambre et
vint se placer sur le dos dç la chaise sur laquelle il croyait que son maître était assis ;
mais aussitôt qu’il s’aperçut de sa méprise et de l’absence de M. Decaen, il refusa
toute nourriture, se jeta à terre et poussa des cris de douleur en se frappant la tête.