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DOUROUCOULI.
C e t animal est un exemple frappant de la manière dont les lumières s’obtiennent,
dont les connaissances s’acquièrent, et de la difficulté de l’observation en histoire
naturelle. L’erreur semble être, aussi bien que la vérité, une des conditions de
notre existence : jamais un fait ne se dévoile à nous complètement ; ce n’est qu’en
renouvelant nos efforts, qu’en multipliant nos tentatives que nous parvenons enfin
à l’envisager sous un certain nombre de ses faces, et qu’il nous est permis de penser
que nous le connaissons à quelques égards ; et ce n’est pas dans les particularités
plus ou moins cachées du fait seulement qu’est l’obstacle à l’observation : c’est aussi
en nous-mêmesj dans notre propre sensibilité, que cet obstacle réside. Nous ne
voyons qu au moyen de ce que nous avons vu ; les idées que nous avons acquises
sont le flambeau qui éclaire celles que nous devons acquérir, et comme elles ne
peuvent etre parfaites, nous avons, dans une foule de cas, presque autant à nous
défier de notre savoir que de notre ignorance. Que sera-ce donc si toutes ces difficultés
sont encore accrues par celles de la position, par l’insuffisance du temps, la
multiplicité des devoirs, la préoccupation de l’esprit, circonstances plus ou moins
inévitables, dans quelque situation que l’on soit, mais qui existent nécessairement ,
et dans toute leur étendue, pour les voyageurs, à qui nous devons cependant presque
tout ce que nous possédons de lumières en histoire naturelle.
C’est M. de Humboldt qui le premier nous a donné quelques notions claires sur
le Douroucouli ; il en fit la découverte dans son voyage d’Amérique, sur les bords
du Cassiquiare ; e t, sans les nombreuses difficultés dont nous venons de signaler
une partie, nous n’aurions sans doute qu’à rapporter ses propres observations
pour faire connaître cet animal de la manière la plus complète et la plus exacte.
Mais si nous avons quelque chose à ajouter ou à rectifier aux détails d’organisation,
c est de lui que nous tirerons tout ce qui a rapport aux moeurs, au naturel, etc:
Rien, pour ainsi dire, ne rappelle la physionomie des quadrumanes américains dans
celle du Douroucouli; par là il ne s’éloigne pas moins des Alouattes que des Sajous
ou des Atèles, des Sakis que des Ouistiles. Pour lui trouver de la ressemblance
avec d’autres animaux, il faut, comme le remarque M. de Humboldt, le rapprocher
u Lori paresseux (Lemur tardigradus Lin.) du midi de l’Asie : alors les analogies
sont tellement frappantes que, ne connaissant qu’un de ces animaux, et voyant
a tête de 1 autre , on pourrait la prendre pour celle du premier, et. réciproquement.
Toutes deux ont à peu près la même forme générale, les mêmes yeux, le