RHINOCÉROS DE JAVA.
I l y a peu de temps que les naturalistes ne comptaient qu’une seule espèce de
Rhinocéros : tel était le cas de Linnæus, qui croyait cette espèce propre aux Indes et
à l’Afrique. Bientôt l’on distingua l’espèce unicorne de l’Inde de l’espèce bicorne
du cap de Bonne-Espérance, confondues en une seule par les modernes, quoique
fort bien connues par les anciens. Une troisième fut découverte plus tard à Sumatra,
mais elle resta obscure faute d’être nettement caractérisée. Enfin, les découvertes
de MM^Duvaucel et Diard, dans le continent de l’Inde et les îles de la Sonde, en
firent connaître une quatrième, et -levèrent tous les doutes qui restaient encore sur
celle de Sumatra, en l’envoyant, ainsi que celle que je décris aujourd’hui, en
peau et en squelette à notre Muséum. Je ne fais point entrer dans ce nombre les
quatre espèces fossiles reconnues et caractérisées par mon frère, qui ont été découvertes
dans les parties moyennes ou septentrionales de l’Europe, et qui, sans doute
ne doivent plus entrer dans le catalogue des êtres vivans du monde actuel, à l’économie
duquel elles ne prennent aucune part.
Le Rhinocéros de Java, dont Camper père avait déjà indiqué l’existence par la
comparaison des os de sa tête avec ceux de la tête du Rhinocéros de l’Inde, n’avait
jamais été représenté ni décrit; et nous devons à M. Diard la figure que nous en
donnons, laquelle a ete faite a Java sous ses yeux et d’après un individu vivant.
Elle était accompagnée de celle du Rhinocéros de Sumatra, et d’une dissertation
qui établissait avec beaucoup d’exactitude les différences spécifiques de ces deux
animaux, dissertation dont mon frère a donné un extrait dans la première partie du
deuxième volume de ses Recherches sur. les Ossemens fossiles, où se trouve aussi
la description ostéologique de ces animaux. Nous ferons prochainement paraître la
figure et la description du Rhinocéros de Sumatra, desquelles ressortiront suffisamment
les caractères distinctifs des deux espèces.
Tous les Rhinocéros paraissent se ressembler par la physionomie générale,, les
organes des mouvemens, ceux des sens, ceux de la génération; ils se ressemblent
encore fondamentalement par les mâchelières ; leurs différences portent, sur la
taille, le nombre des cornes, celui des incisives et les tégumens.
L’espèce de Java paraît être une des moins grandes : sa longueur, de la base des
oreilles à l’origine de la queue, est de six pieds; celle de sa tête, du bout du museau
à la base des oreilles, de deux pieds; et sa hauteur moyenne dépasse quatre
pieds. Sa queue a plus d’un pied. Elle n’a qu’une seule corne qui paraît située plus
près des yeux que l’antérieure des Rhinocéros bicornes, mais non pas entre les yeux,
comme la postérieure de ces derniers. Dans l’individu que je décris, cet organe était
tout-à-fait usé, arrondi par le frottement, et saillait à peine de douze à quinze lignes.