MËLARHINEI ou TALAPOIN.
C e Singe n’avait point été revu depuis que Buffon le fit représenter sous le nom
de Talapoin (t. XIV, pl. xl); et comme la figure qu’il en donne, ainsi que la description
faite par Daubenton et qui l’accompagnait, n’avaient rien d’asSez particulier
pour que les naturalistes, qui ne connaissaient pas autrement cet animal, aient pu
s’en faire une idée distincte, ils n’y virent guère autre chose qu’un jeune Malbrouk
ou un jeune Grivet. Ce qui est vrai cependant, c’est que la figure et la description
de cette jolie petite espèce de Guenon sont d’une parfaite exactitude, et que, dès
qu’on a vu cet animal, on le reconnaît sans peine aux traits sous lesquels il nous
a été peint ; traits qui alors ne conviennent plus que grossièrement aux espèces qu’on
avait cru y reconnaître. Buffon et Daubenton n’avaient donc montré dans l’histoire
de cette espèce ni moins d’exactitude ni moins de perspicacité que dans l’histoire des
autres; et si, à cet égard, le Talapoin a pu induire en erreur, il ne faut l’attribuer
qu’à ce que les figures d’animaux non colorées ne suffisent point, quelle que soit,
dans notre système actuel, la perfection des descriptions dont on les accompagne,
pour que l’imagination puisse toujours recréer ces êtres avec fidélité. Pour cet effet,
il faudrait des descriptions beaucoup plus détaillées que celles,que nous pouvons
donner aujourd’hui, ou avoir vu ces animaux avec leurs formes, leurs proportions ,
leurs couleurs, en un mot avec tout ce qu’ils ont de sensible : ce qui ne peut être
que par la possession même de ces animaux, ou par celle de leur image exacte et
complète.
J’ai été assez heureux pour retrouver vivante cette jolie espèce de Singe, et j ’ai
lieu d’espérer que la figure que j ’en donne la rétablira pour toujours dans le rang
qu’elle doit occuper parmi ses congénères, si aucune autre, parmi celles qui ne sont
point encore connues, ne lui ressemble davantage que le Malbrouk ou le Grivet
car les caractères qui la distinguent de ces derniers sont nombreux et tranchés.
La taille de l’individu mâle que je décris n’est point encore celle d’un adulte • son
corps, du bout du museau à .l’anus, est. d’environ onze pouces, et sa hauteur au
garrot est de sept pouces. Sa queue avait en partie été coupée ; mais celle du
Talapoin de Daubenton, qui était entière, avait près de dix-huit pouces. Toutes les
parties supérieures de son corps sont de la couleur verte de celles du Calli-
triche, et les parties inférieures, depuis le bout de la mâchoire jusqu’au bout de
(i) Ce nom, qui signifie nez noir, avait été donné à cet animal avant que j'eusse reconnu son identité avec le
Talapoin, et il ne pouvait plus être changé sur la lithographie.