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tions (les animaux par les nôtres,, nous prendrions le jeune Entelle pour un individu
de l’âge où les développemens les plus tardifs sont atteints, où toutes les perfections
morales de l’espèce sont acquises, et où les forces physiques commencent à s’affaiblir;
e t l’E ntelle adulte, pour un individu qui n’aurait encore que ces forces physiques, et
qui n’obtiendrait que plus tard celles qui sont destinées à les diriger. Mais la nature
n’en agit point ainsi avec ces animaux, qui ne doivent point sortir de la sphere étroite
où ils sont destinés a exercer leur influence. Pour cela, il suffit, en quelque sorte,
qu’ils puissent veiller à leur conservation. Or, dans ce but, l’intelligence était
nécessaire quand la force n’existait point encore; dès que celle-ci est acquise, toute
autre puissance perd de son utilité; et, en effet, c’est ce que nous montrent
encore tous les Singes : tant qu’ils sont jeunes, ils rivalisent presque avec d’homme
de pénétration et d’adresse; et, dès que leurs forces musculaires se développent,
ils deviennent sérieux et féroces; en esclavage même, plutôt que de solliciter du
geste et de la voix, ils exigent en menaçant; et, au lieu de la liberté turbulente,
mais sans danger, dont on pouvait les laisser jouir, il faut les charger de chaînes
pour éviter qu’ils ne se livrent à toute leur méchanceté. Et ces faits n’ont pour cause
ni la gêne, ni rien de ce qui se trouve de violent dans la situation de ces animaux
renfermés dans nos ménageries. Les mêmes observations ont eu lieu de la part de
tous ceux qui ont pu étudier les Singes dans les contrées où ils jouissent de plus
de liberté. Les Entelles devraient, à cet égard, présenter des observations curieuses
dans les contrées d’où ils sont originaires, c’est-à-dire parmi ces Indiens, qui, croyant
à la métempsycose, les traitent avec tous les égards qu’ils auraient pour leurs amis,
leurs parens ou leurs chefs. Yoici ce que M. Duvaucel écrivait sur ces animaux,
qui, comme nous l’avons dit à l’article du Tchinkou, portent aux Indes le nom
d’Houlman :
« Cette espèce est très-respectée par les Indous, qui l’ont déifiée et qui lui donnent
« même une des premières places parmi leurs trente millions de divinités. Son
« apparition dans le Bas-Bengale a lieu principalement vers la fin de l’hiver. Mais
ce je n’ai pu d’abord m’en procurer; car, quelque zèle que j ’aie mis dans mes re-
cc cherches et mes poursuites, elles sont toujours restées infructueuses à cause des
ce soins empressés qu’ont mis les Bengalis à m’empêcher de tuer une bête aussi resec
pectable, après laquelle on doit nécessairement mourir dans l’année qui suit son
« décès. Les Indous chassaient le Singe aussitôt qu’ils voyaient mon fusil ; et pence
dant plus d’un mois qu’ont séjourné à Chandernagor sept ou huit individus
ce qui venaient jusque dans les maisons saisir les offrandes des fils de Brama, mon
ce jardin s’est trouyé entouré d’une garde de pieux brames qui jouaient du tam-tam
ce pour écarter le dieu quand il venait manger mes fruits. Ce que je sais de mieux
ce sur cette espèce, c’est son histoire mythologique ; mais il serait trop long de la
ce rapporter ici. Je dirai seulement que le Houlman est un héros célèbre par sa
<c force, son esprit et son agilité, dans le recueil volumineux des mystères du peuple
ce indou. On lui doit ici l’un des fruits les plus estimés, la mangue, qu’il vola dans
ce les jardins d’un fameux géant établi à Ceylan. C’est en punition de ce vol qu’il
ce fut condamné au feu , et c’est en éteignant ce feu qu’il se brûla le visage et les
ce mains, restés noirs depuis ce temps, etc Je suis entré à Gouptipara (lieux
ce saints sur l’IIougly, habité par des brames et couvert de pagodes, dans l’une des-
cc quelles on conserve la chevelure de la déesse Dourga) à peu près comme Pytha-
« gore à Benarès, lui pour chercher des hommes, moi pour trouver des bêtes, ce
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cc qui est généralement plus facile. J’ai vu les arbres couverts de Iloulmans à longue
ce queue, qui se sont mis à fuir en poussant des cris affreux. Les Indous, en voyant
« mon fusil, ont deviné, aussi bien que les Singes, le sujet de ma visite, et douze
ce d’entre eux sont venus au-devant de moi pour m’apprendre le danger que je cou-
cc rais en tirant sur des animaux qui n’étaient rien moins que des princes méta-
cc morphosés ; j ’avais bien envie de ne point écouter ces charitables avocats ; cepen-
« dant, à moitié convaincu, j ’allais passer outre, lorsque je rencontrai, sur ma
ce routé, une princesse si séduisante, que je ne pus résister au désir de la consi-
cc dérer de plus près. Je lui lâchai un coup de fusil, et je fus alors témoin d’un trait
a vraiment touchant : la pauvre bête, qui portait un jeune Singe sur son dos, fut
« atteinte près du coeur; elle sé sentit mortellement blessée, e t, réunissant toutes
ce ses forces, elle saisit son petit, l’accrocha à une branche, et tomba morte à mes
ce pieds. Un trait si maternel m’a fait plus d’impression que tous les discours des
ce brames, et le plaisir d’avoir un bel animal n’a pu l’emporter cette fois sur le re-
ce gret d’avoir tué un être qui semblait tenir à la vie par ce qu’il y a de plus respec-
cc table, etc. »
En comparant l’Entelle de notre 20e. livraison avec c e lu i-c i, on verra que la
couleur du pelage éprouve, comme les facultés de l’intelligence, des changemens
considérables. Le premier était couvert de poils presque blancs, excepté aux parties
où la peau restait découverte, et qui étaient noires. Çelui-ci a tout son pelage d’un
blond grisâtre, mélangé de beaucoup de poils noirs sur le ¿os et les membres, et
de poils d’un fauve presque orangé sur les côtés de la poitrine. La queue blanche
chez le premier, dans toute sa longueur, est presque entièrement noire chez le
second.
Février 1825.