ÉLÉPHANT D’AFRIQUE.
L a formation des genres, parmi les Mammifères, ne saurait être arbitraire
aujourd’hui ; le naturaliste n’est plus maître, • comme il l’était plus ou moins
autrefois, de réunir ou de séparer telles ou telles espèces, et de se former d’avance
des règles qu’il conservait la faculté d’étendre ou de restreindre, pour satisfaire
aux idées qu’il s’était faites de la science. Grâces aux progrès de nos connaissances
sur l’organisation de ces animaux et sur leur nature en général, les principes
de la méthode qui doit diriger dans leur étude sônt invariablement fixés ; on a
reconnu l’importance relative de chacun de leurs systèmes d’organes, leur influence
et leur dépendance mutuelle ; et l’application de ces principes est devenue impérieuse
pour quiconque en a la conscience et en sent la force; Lorsqu’on ne considérait
les rapports des Mammifères, et qu’on ne les comparait que par quelques points
circonscrits de leur organisation, l’Éléphant d’Asie ët l’Éléphant d’Afrique pouvaient
être regardés comme deux espèces du même genre. C’est ainsi que le Chien
et la Hyène, le Paca et l’Agouti, les Lagomys et les Lièvres, les Sangliers et les
Phacochoeres ont été réunis sous la même dénomination générique ; mais comme il
est devenu indispensable de séparer ces animaux en autant de genres distincts, de
même il le devient de former deux genres des deux Èléphans vivans qui nous sont
aujourd’hui connus, à moins de violer ces principes dont l’application a été reconnue
nécessaire, et de s’exposer, pour ces animaux, à la confusion d’idées qu’on a voulu
éviter pour les autres. En effet, ees deux Éléphans diffèrent autant l’un de l’autre que
le Chien de la Hyène, le Paca de l’Agouti, les Lagomys des Lièvres, etc. Ils forment
deux genres dans le groupe naturel plus général qui a reçu le nom de Proboscidiens.
L ’Éléphant d’Afrique diffère de celui d’Asie par ses formés générales, la structure
de ses dents mâchelières, les formes de sa tête, et celles de quelques unes des
parties externes de ses organes des sens ; du moins c’est ce qui résulte des observations
qui jusqu’à ce jour ont pu être faites comparativement sur ces animaux; et
ces différences sont trop importantes pour qu’elles n’en entraînent pas beaucoup
d’autres encore que le temps fera sans doute découvrir plus tard.
Nous avons donné, dans notre 3i e. livraison, la figure d’un Éléphant d’Asie, âgé
de trois ans, qui peut être comparé à celui d’Afrique, que nous donnons aujourd’hui,
et qui en a deux; et c’est la tête de ce dernier, vue de face, et la tête d’un
Éléphant des Indes, âgé de six ans, vue de même, qui se trouvent jointes à ce
texte-ci. Au moyen de ces quatre figures on jugera des nombreuses différences qui
distinguent ces deux animaux. La tête de l’Éléphant d’Afrique est plus petite, plus
allongée et moins irrégulière que celle de l’Éléphant d’Asie. Le sommet en est
arrondi, au lieu d’êtré séparé en deux par une dépression profonde à sa partie
moyenne, la partie correspondante aux maxillaires supérieures est moins saillante,
et la distance de l’oeil à la mâchoire inférieure moins grande. L’oreille de l’Éléphant
d’Afrique est du double plus étendue que celle de l’Éléphant d’Asie, et sa queue
est de moitié plus courte ; et quoique la trompe de ces animaux serve en général
aux mêmes usages, le premier fait un emploi beaucoup plus varié de l’extrémité
de la sienne que le second; il a surtout la faculté d’en rapprocher les lèvres au
point de prendre de la sorte les choses les plus minces : ce que ne fait pas l’autre
au même degré, à beaucoup près. Mais c’est surtout par les dents que ces animaux
diffèrent. Nous avons vu que les molaires de l’Éléphant d’Asie présentent sur leur