2 ÉLÉPHANT D’AFRIQUE.
coupe des rubans d’émail festonnés irrégulièrement. Celles de l’Éléphant d’Afrique
présentent des losanges, de sorte qu’au premier regard les unes se font distinguer
des autres ; mais si ces dents diffèrent par leurs formes, elles ne diffèrent point par
leur mode de développement, et tous les phénomènes qu’elles présentent sous ce
rapport chez l’un, elles le présentent chez l’autre ; ainsi elles croissent d’arrière en
avant, usent leur partie antérieure avant leur partie postérieure, et sont alternativement,
dans les mâchoires, ou simples ou doubles.
Les caractères spécifiques de cette espèce offrent peu d’importance. Le fond de
la peau -est d’un gris foncé, et les poils rares et frisés qui se voient sur le corps,
mais principalement sur la tête et le long du dos, sont bruns.
Les proportions de l’individu femelle, dont nous donnons la figure, sont les suivantes
: sa longueur, en ligne “droite, de la partie supérieure de la trompe à 1 origine
de la queue, est de cinq pieds; la longueur de la trompe, de sa base à son
extrémité, de deux pieds huit pouces; celle de la queue, de son origine à sa partie
inférieure, d’un pied*sept pouces; sa hauteur aux épaules est de quatre pieds quatre
pouces ; ses oreilles ont un pied quatre pouces dans leur plus grande largeur, et
deux pieds dans leur plus grande hauteur.
Ce jeune animal * qui vit encore, a été envoyé au Roi par le bey d’Égypte. Il
n’est âgé, dit-on, que de deux ans; quoique*dans l ’état de nature il doive encore
téter à cet âge, il se nourrit fort bien, et depuis long-temps, de tous les alimens
qui sont convenables à son espèce. Il est très-affectionné à celui qui le soigne, et fort
obéissant pour tous les ordres qu’il en reçoit; mais il n’en est pas à beaucoup près
de même pour les personnes qui lui sont étrangères. Il s’approche d’abord dans
l’espérance d’obtenir quelque gourmandise, et si on n’a rien à lui donner, ou si
on lui donne trop lentement à son gré ce qu’on lui destine, il s’impatiente et
frappe de sa tête , ou de sa trompe * Il ne montre pas une intelligence moindre que
l’Éléphant d’Asie du même âge ; il apprend à faire les mêmes exercices, les mêm^s
gestes, les mêmes mouvemens que celui-ci, dans les mêmes circonstances; et sans
mettre plus de temps à cet apprentissage; Tout permet donc de penser qu on
en ferait un animal domestique, si on lui donnait l’éducation nécessaire ; et sans
doute il serait réduit en domesticité comme celui d’Asie, si les Africains étaient
dans le même état de civilisation que les Indiens. On ne peut douter que les Élé-
plians que les Carthaginois avaient dans leurs armées n’aient été amenés de 1 intérieur
du continent, où ils paraissent être fort abondans, si Ion en juge'par le
commerce considérable d’ivoire qui s’y fait depuis-la plus haute antiquité; et si les
besoins des peuplades nègres rendaient, pour elles, nécessaires les secours d un animal
aussi puissant, elles sauraient, comme la colonie asiatique qui fonda Carthage,
le soumettre et le faire servir à leurs travaux, en admettant toutefois que l’intelligence
et l’activité d’esprit des uns pût égaler celles des autres.
Les naturalistes n’ont encore eu qu’un seul Éléphant d’Afrique à faire figurer
et à décrire ; c’est celui qui mourut à Versailles en 1681 , ’et dont Perrault a donné
une description et une Anatomie dans les Mémoires pour servir à 1 histoire naturelle
des animaux. Cet Éléphant, assez exactement représenté, n a de particulier
que les excroissances cornées qui sortent de ses semelles, et qui ressemblent.à des
ongles monstrueux. Ce sont des accidens qui ont lieu fréquemment chez les
animaux qu’on tient renfermés, et qui ne peuvent user la corne de leurs ongles ou
de leurs sabots à mesure qu’elle croît.
Je proposerai pour nom générique de cette espèce j le mot de Loxodonte9 qui
peut rappeler le caractère de ses dents, les losanges qu’on aperçoit sur leur coupe.
Novembre 1825.'