surplombants forment d’excellents abris, auprès d’une
bonne eau claire, comme nous n ’en avons pas bu même
à Paiyu.
Cette belle oasis de Rdokass doit être un lieu de prédilection
pour les ibex, dont nous trouvons de nombreuses
traces, ainsi qu’une paire de cornes très bien conservées,
malgré les nombreux hivers qui les ont blanchies ici.
Uneflorule très intéressante, quoiqu’encore peu avancée,
témoigne de la puissance de la végétation dès. qu’une
source d’humidité permanente lui permet de se développer
normalement. De jolies primevères farineuses, d’une variété
un peu différente de la nôtre, aux feuilles glabres, jettent
leur teinte rosée dans la verdure du gazon ; et l’on s ’assied
avec délices dans les carex et les graminées, dont les tiges
desséchées des années précédentes forment des touffes
épaisses et moelleuses; des silènes et des androsaces
roses et blanches marient leurs couleurs à celles des gentianes,
et des saules variés font de ce petit pâturage un lieu
enchanteur ; après des semaines de voyage dans les pierres,
les moraines, les lits de rivière où le sable règne en maître,
on ne peut dépeindre la volupté qu’il y a à se vautrer dans le
gazon velouté, à aspirer cette bonne odeur d’herbe fraîchement
foulée, et à boire à plein verre une eau limpide et
fraîche.
Et cela, plus haut que la Jungfrau (l’hypsomètre indique
86°,86, correspondant à 13,904 pieds : 4,224 mètres), sans
que la température soit encore descendue au-dessous de
— 3°. La neige qui a assailli les premières caravanes a complètement
disparu, et n’est plus visible qu’à un millier de
mètres au-dessus de nous.
Nous jouissons tranquillement du charme de l’après-
midi, en rédigeant au soleil quelques notes et en préparant
une longue lettre pour l’Europe; je commence un second
dessin des massifs qui nous font vis-à-vis, et dont les sommets
atteignent et dépassent 7,000 mètres.
Plusieurs de nos porteurs sont déjà venus dans ces
parages, et se piquent de quelque connaissance géographique
de la région. Constatant que leur nomenclature des
glaciers de la rive nord du Baltoro ne s’accorde pas avec la
carte de Conway, nous n’avons pas la prétention d’affirmer
que les noms de celle-ci soient inexacts, et que ce soient
nos Baltis qui aient raison ; mais leurs affirmations très pré-
( i34.) A Rdokass. En attendant le coucher du soleil.
cises et leur unanimité parleraient assez en faveur de leur
exactitude.
Le glacier sans nom, sur la carte de Conway, qui se rencontre
à gauche en montant, s’appellerait Uli Biaho tandis
que celui à qui Conway donne ce nom serait le Tramgo ;
les suivants, en revânche, conserveraient leurs noms; ils
seraient ainsi à peu près tous baptisés, jusqu’à celui de
Younghusband (nom d’un topographe) ; là s’arrête la nomenclature,
pour la bonne raison que les indigènes ne remontent
guère plus haut que Rdokass.