pour les kangris de nos hommes et à cuire leur
thé. Ces bois serviront comme d’une sorte de litière, sur laquelle
les hommes qui restent avec nous, et qui décidément
n’ont pas un faible bien prononcé pour la neige, pourront
s’étendre au soleil quand il brillera, ou au fond de la tente
à mesure que l’eau et l’humidité y pénétreront.
Nous n’avons plus à notre service maintenant que des
hommes engagés au mois, sous les ordres du chicari
(174.) Arrivée des porteurs d’Eckenstein.
Salama. Nous'comptons sur eux pour nous aider-à préparer
les étapes d’avancement et à jalonner ainsi la route
qui, de proche en proche, doit nous conduire au sommet.
Eckenstein a apporté le dernier courrier d’Europe ne
comportant à mon adresse qu’une seule et unique carte;
c’est un message collectif de la section neuchâteloise du Club
alpin suisse en course au Mauborget.
Je recevais en moyenne deux ou trois lettres et autant de
cartes, sans compter le petit paquet de « Gazette de Laucharbon
sanne » toujours le bienvenu, et mes camarades, pour dissimuler
leur jalousie, avaient l’habitude de me répéter que
notre service postal avait été créé pour moi autant que pour
eux tous ensemble. Cette fois, ils font des gorges chaudes
de mon unique carte; sans plus discuter, je leur fais voir les
trente et quelques signatures dont elle est couverte, et qui
pour moi représentent autant de messages différents.
C’est dans des occasions semblables qu’on apprécie
comme ils le méritent ces témoignages collectifs d’intérêt,
dont on abuse quelquefois dans nos sociétés ; trente signatures,
trente personnes qui pensent à vous en même temps,
et vous en envoient la preuve ; quel bienfaisant esprit de
solidarité ! Brave club alpin suisse !
Au courrier précédent, j’avais reçu un message semblable
de l’Academischer Alpen-Club de Zurich, et parmi les signatures
se trouvaient quelques noms connus non seulement
de moi, mais encore de nos camarades autrichiens et d’Eckenstein.
Brave A. A. C.Z. ! Heil !
HOCH HEIL !
En étudiant les possibilités d’accès et la voie à suivre, je
suis frappé dès l’abord et tout à fait fortuitement par de curieuses
colorations et d’étonnants jeux de lumière que
j’observe une bonne partie de l’après-midi. Il doit se livrer
de furieux combats entre le vent du nord et celui de l’ouest
sur l’arête et autour du sommet de notre géant ; car les
nuages se déplacent constamment, tantôt dans une direction,
tantôt dans une autre. Ce perpétuel mouvement provoque
des variations rapides dans leur épaisseur, et le soleil, qui
perce à chaque instant à travers les déchirures, produit des
irisations variées à l’infini où toutes les couleurs du spectre
apparaissent séparément ou simultanément comme en un
gigantesque kaléidoscope. Une quantité de petits arcs-en-
ciel naissent et se dissipent avec une rapidité telle, qu’on