Par contre, de Paiyu ici, sur une demi-douzaine de glaciers
de la rive sud, un seul possède un nom : celui de Lili-
go ; il est vrai qu’aucun ne paraît présenter l’importance
des grands tributaires de la rive nord ; ils attendront donc
que le flot des touristes ait envahi ces régions, et baptisé à
tort et à travers tout ce qui peut être affublé d’une étiquette.
Car nos Baltis ne se trémoussent guère au sujet de ces graves
questions.
La confection de leur pâte et la cuisson de leur pain leur
semblent pour le moins aussi importantes. Autour de grands
feux ils font chauffer des pierres sur lesquelles ils étendent
leur pâte en galettes, sans levain et sans sel ; quelques-uns,
probablement de villages différents, au lieu de ces « tschu-
patis », confectionnent de véritables petits pains, qu’ils creusent,
en leur donnant la forme d’une moitié' de pelure
d’orange. Leurs pains sont enfermés dans les sacs de peau où
se trouvait tout à l’heure la farine, et les même coolies les
transporteront les jours suivants jusqu’aux camps supérieurs.
Ceux dont les charges sont épuisées retournent en
arrière donner de nos nouvelles à Eckenstein, puis remonteront
de nouveau avec de la farine et ainsi de suite, tant que
durera notre séjour dans ces régions inhospitalières.
Le 14 juin nous gagnons la rive droite, le long de laquelle
nous allons rester jusqu’au pied du Chogori. A 7 heures, le
dernier porteur quitte le camp, et nous nous engageons aussitôt
dans un dédale de crevasses, de monticules, au milieu
desquels on n’avance guère ; toutefois, après le passage
auprès de quelques lacs glaciaires, nous arrivons dans une
région moins tourmentée où, pour la première fois depuis
que nous sommes sur le Baltoro, nous ne sommes pas
astreints à faire attention à chacun de nos pas. Le glacier
est encore complètement recouvert de débris morainiques ;
mais il présente çà et là des espaces moins accidentés, où la
marche est à peu près horizontale, et où les énormes blocs
chancelants sont remplacés par un joli gravier rouge brique,
semé irrégulièrement comme dans une allée. Les pieds sont
tout étonnés de n’y être plus soumis à la subluxation quasi
chronique qui était leur lot depuis plus d’une semaine.
Dans cette même région, nous passons auprès d’une
vaste cuvette, qui devait être encore tout récemment
occupée par un lac glaciaire assez considérable, à en juger
d’après ce que nous avons sous les yeux.
Au moment où le lac s’est vidé brusquement, par une
( i35.) Fond d’un lac g ià aM ^ 5t^ïdé-lé^dfSirement.
fissure très considérable qui se voit au fond, il était couvert
d’une couche de glace de plus d’un mètre d’épaisseur, qui
s’est déposée sur le fond inégal, graveleux, en formant un
blanc manteau qui en épouse les moindres ondulations. Un
des côtés de ce lac offre le spectacle grandiose d’une caverne
qui s’ouvre comme une nef d’église haute de plus de 30
mètres, aux parois en mosaïque de glace, usée par l’eau,
et terminée en haut par une arche d’une seule portée, dé
près de 10 mètres de diamètre. C’est la plus belle caverne