Les tentes étaient de deux modèles ; nous en avions six
de Whymper, où deux personnes sont à l’aise bien qu'on
finisse par s’y trouver un peu à l’étroit ; avec quelques modifications
dictées par une expérience de longs mois, elle
finira par nous fournir l’idéal de la tente de haute montagne.
Pour des campements momentanés et pour une Seule
personne, nous avions deux tentes en soie de Mummery,
beaucoup moins spacieuses et sans fond, mais très pratiques
quand 1 un de nous devait être détaché en avant ou en arrière
; elles ne pèsent pas 2 kilos, et deux piolets suffisent à
les monter.
Nos domestiques s’entassaient dans deux tentes indicé-
nés, plus vastes que les nôtres, mais sans fond ; ils les entouraient
d’un petit fossé lorsque la pluie menaçait d’y pénétrer;
mais ces tentes ne furent d’aucune utilité pour le glacier,
et restèrent à Rdokass.
Nos lits (schlafsack, slepping bag, lits-sacs) étaient formés
d’une enveloppe en forte toile à bâche imperméable, ou
censée telle, terminée aux deux extrémités par un compartiment
où l’on enfermait les vêtements de rechange dont l’un
servait d’oreiller ; sur cette couche imperméable, qui reposait
sur le fond de la tente, était étendu un matelas en liège
granulé, piqué transversalement, ce qui permettait de l’enrouler
facilement. Ce liège, de 4 à 5 centimètres d’épaisseur,
protège très bien du froid de la glace ou de la neige ycepen-
dant une troisième couche formée d’un grand sac d’édredon
également piqué, achevait de rendre aussi confortable que
possible une couchette qu’on ne parviendrait pas facilement
à remplacer par autre chose.
Toutefois un cadre de lit de camp monté sur pieds et démontable
serait certainement préférable.
Une couverture de Cachemire complétait le tout, les nuits
où la température était par trop basse.
Nous brûlions dans nos chaufferettes dites japonaises un
charbon de tilleul pulvérisé et comprimé qui se consumait
lentement, et entretenait une douce chaleur dans nos sacs
d’édredon ; lors des plus grands froids, nous imitâmes les
indigènes qui faisaient brûler ce charbon dans des « kangri »,
récipients en grès qu’ils portent sous leur chemise, et qu’ils
rapprochent parfois tellement de l’abdomen que la peau devient
le siège d’un érythème très curieux. Nous remplaçons
le pot de grès par une boîte à biscuits vide, et le chauffage
n’en était que plus rapide.
Nos vêtements étaient en drap analogue à celui que portent
les guides des Grisons ; l’expérience nous a montré
qu’ils sont préférables à bien des draps anglais beaucoup
plus chers, plus souples, mais moins durables. Les tailleurs
indigènes de Srinagar nous ont confectionné quelques vêtements
copiés sur nos modèles européens, et faits d’un drap
plus léger et plus souple, mais aussi de moindre qualité; un
complet semblable revient de 6 4/2 à 7 roupies (11 à 12 francs)
mais ne dure pas plus d’une saison. .
Si l’on peut juger un individu d’après sa coiffure, on aurait
eu fort à faire en notre compagnie. Les couvre-chefs
étaient fort variés, comme toujours à la montagne ou ailleurs
: les Anglais avaient le chapeau double en feutre gris,
Growley, soit un panama, soit une toque de fourrure dont
une partie pouvait se rabattre sur les oreilles ; Wessely, le
chapeau de feutre simple ; Pfannl ne portait généralement
rien, parfois seulement un petit chapeau blanc en toile ou
un passe-montagne dit « casque à mèche ». Enfin j’avais conservé
ma coiffure des Alpes, l’ancien béret de forteresse auquel
je suis habitué.
Il en était des souliers comme des chapeaux, mais ils
avaient sur ces derniers au moins l’avantage de quelques
traits communs. Les semelles étaient en général très épaisses,
bien qu’à mon avis ce ne soit pas nécessaire : on alourdit
bien inutilement une cha'ussure d’un poids déjà plus
considérable que celui auquel on est habitué dans la vie de