l’espèce, une chemise recouvrant un court pantalon, qui à eux
deux constituent tout leur habillement. Lorsque la chemise,
qui n’a jamais été lavée, menace ruine, son propriétaire la
remplace, ou, plus exactement, la double extérieurement, se
gardant bien d’enlever la vieille, dans laquelle il a sué bon
nombre d’années, et dont les loques se détacheront comme
elles pourront. On a ainsi, pendant une semaine, rivé à ses
côtés, sans pouvoir s’en éloigner d’uu pied, un compagnon
des plus odoriférants, genre nauséabond, espèce infecte, au-
(ia.) Dak-bungalow de Trect.
quel, au bout du pèlerinage, on n’est pas plus habitué qu’au
premier jour.
A la tombée de la nuit, nous ne sommes pas encore à
mi-chemin de l’étape convenue, de sorte qu’on est forcé de
s’arrêter à Treet. Il s’y trouve heureusement un bon dak-
bungalow, espèce d’hôtellerie ayant quel*pie analogie avec
les cabanes du Club alpin allemand-autrichien, avec un peu
plus ou un peu moins de luxe, suivant les stations et leur
fréquentation.
Ces constructions en pierre (les plus récentes en bois
sur un socle en maçonnerie), sans étages, sont à peu près
toutes disposées de la façon suivante : une première pièce
qui sert de chambre à manger et de réception, est suivie
d’une chambre à coucher renfermant comme seul meuble
un lit de sangles sans literie (l’Anglais emportant toujours,
dans ses déplacements, draps et couvertures, par mesure
d’hygiène) ; derrière ces deux premières pièces se trouve la
salle de bain, toujours bien agréable à rencontrer après une
étape dans la poussière et au soleil. Un nombre plus ou
moins grand de pièces disposées de la sorte sont juxtaposées
suivant l’importance du dak-bungalow.
On trouve un peu partout de ces constructions dans les
Indes; les grandes villes en possèdent aussi bien que les
endroits les plus reculés, et presque toujours à la lin de la
journée on peut espérer y trouver un abri ; suivant les saisons,
les places peuvent être toutes occupées ; il. ne reste
alors que la ressource de gagner le prochain dak-bungalow,
à moins qu’on n’ait emporté une tente, auquel cas on s’arrête
où. bon semble, ce qui est toujours préférable.
Au moment de quitter l’étape, le lendemain matin, se
passa un incident qui faillit compromettre gravement l’ex-
pédition. Un courrier envoyé par le gouverneur de Rawal-
Pindi arriva, porteur d’un ordre du vice-roi qui enjoignait à
Eckenstein de se tenir à la disposition de ce dernier, et de
revenir aussitôt sur ses pas. Le motif de cette arrestation
(car c’en était bien une) nous restait inconnu, et à l’heure
q u | est encore, nous l’ignorons comme au premier jour.
11 est bon de rappeler ici que le vice-roi des Indes (actuellement
lord Curzon) jouit d’une autorité absolue, quasi
despotique, et ne rend compte de ses actes qu’au Parlement
anglais : de sorte qu’Eckenstein avait comme seule ressource
de se rendre auprès de lui, de lui demander éventuellement
la cause de son arrestation, ou tout au moins sa mise en
liberté provisoire et conditionnelle, à moins toutefois de