poches pour tromper la soif en les grignotant tout le long
du chemin. >,
A mesure que nous descendons la vallée du Dras,
elle nous apparaît de plus en plus aride; seules, les vallées
latérales où coulent les rivières alimentées par des glaciers
présentent un peu plus de verdure, et, au moment où le
cours d’eau débouche dans la vallée principale, il est capté
et distribué par les « bisses » sur les champs en terrasses,
beaucoup moins nombreux que dans la vallée du Sind.
L’activité que déploient les habitants n’en est que plus
grande; partout dans les champs les hommes retournent le
sol sablonneux avec une charrue attelée de deux yacks, pendant
que les femmes et les enfants suivent derrière, en cassant
les mottes au moyen d’une sorte de marteau assez
semblable à ceux de nos jeux de croquet et qui servent en
même temps de rateau.
Les femmes ont pour seul vêtement une longue chemise
de drap, fortement échancrée sur la poitrine, laissant voir
leurs seins, qu’elles ne cherchent pas à soustraire aux regards;
elles sont cependant très timides, et pour peu qu’elles
vous voient venir à temps, elles prennent leur course à
travers champs, abandonnant sur place leurs instruments ;
si elles n’ont pas le temps de fuir, elles se blottissent dans
un repli du terrain ou simplement se détournent en ramenant
sur la figure le voile qu’elles portent en travaillant sur
le derrière de la tête.
La chaleur augmente sensiblement, au point que vers
midi elle devient intolérable ; ayant eu le malheur d’enlever
mes bandes molletières après les dernières flaques de neige,
je pris aux jambes un coup de soleil qui dura plus de huit
jours, et me fit plus souffrir que tous ceux dont j ’avais été
gratifié dans les plus fortes courses de glaciers de nos Alpes.
Knowles en prit également un à la figure et en souffrit aussi
cruellement; ses lèvres, entr’autres, restèrent tuméfiées et
douloureuses pendant près de trois semaines, et les dernières
croûtes ne tombèrent qu’une fois sur le glacier, soit plus
de quatre semaines après l’accident.
Nous n’arrivons à Karbu que vers 3 heures, assez fatigués,
et un peu avant les coolies ; de sorte que nous devons
attendre plus d’une heure avant d’avoir la tasse de thé traditionnelle
qui, mieux que toute autre chose, à défaut d’alcool,
réconforte presque instantanément.
Dans la soirée, nos chicaris viennent tout joyeux nous
(6o.) Dak-bungalow de Karbu.
annoncer qu’ils ont découvert de l’autre côté de la rivière
un troupeau d’ibex (bouquetins); effectivement, en examinant
un peu la montagne, nous finissons par en voir une
quinzaine de très belle taille ; malheureusement, il n'y a pas
de pont : il faudrait remonter la vallée à plusieurs heures en
arrière, et personne ne s’en soucie. Nous nous contentons
de les regarder de loin et de suivre leurs jeux jusqu’à la
tombée de la nuit. D’ailleurs, bien qu’ayant des armes et
des permis, nous nous étions donné comme règle de ne pas