temps, mais cela nous montre deux choses : 1° c’est que les
bêtes, si bêtes qu’elles soient, savent trouver d’instinct de
meilleurs gués que leurs propriétaires ; 2° que l’espèce des
moutons de Panurge n’est point encore perdue.
Puisque nous parlons de ces quadrupèdes, une autre anecdote
encore, avant d arriver à Paiyu, un rocher surplombant
dans la rivière oblige à traverser celle-ci à gué ; l’eau n’est
pas profonde, et de grosses pierres permettent de passer
presque à pied sec, moyennant deux bonds assez grands :
cependant, pour ne pas risquer de faire un faux pas, les bipèdes
préfèrent entrer
directement
dans l’eau. Mais, le
premier des moutons
ayant réussi à
passer toutes les
pierres, les autres
se précipitent à sa
suite • le second
manque l’un des
sauts, est entraîné
dans la rivière, mais
arrive cependant
sain et sauf de l’autre
côté ; alors, tout le
reste, en vrai troupeau de moutons, glissent, tous sans-exception,
sur la pierre rendue humide par les éclaboussures
du second, mais arrivent tous aussi à bon port.
D’après la carte de Conway, inexacte sur plus d’un point,
il devrait y avoir au plus 2 7 * milles (4 km.) du passage à gué
du Punmah jusqu’à Bardumal, la prochaine halte ; mais
nous y employons plus de 8 heures, en longeant presque
constamment le bord de la rivière, donc sans dépense de force
considérable. C’est ici que nous commençons à éprouver les
premiers symptômes d’un malaise, d’une fatigue générale,
qui n’est pas encore le mal de montagne, mais qui le deviendrait
probablement, si l’on ne tenait pas compte de ce
premier avertissement.
Cette sensation, nous l’éprouverons souvent, mais jamais
heureusement d’une façon aussi prononcée. Le ciel estd une
grande pureté ; pas un souffle, pas la moindre brise ne vient
tempérer l’étuve dont nous parcourons le fond : cette stagnation
de l’air est, à mon avis, plus encore que l’altitude, malgré
ce qu’en pensent quelques voyageurs, la cause primordiale
de ce fâcheux état ; preuve en est l’amélioration subite
qui se produit lorsque,
arrivant à un
endroit plus resserré
de la vallée,
ou plus tard sur une
arrête exposée aux
vents, on se trouve
dans une atmosphère
renouvelée
plus fréquemment;
la pression exercée
par le vent remplace
alors dans une certaine
mesure le défaut
de tension de
l’oxygène, rétablissant ainsi un équilibre défectueux, avec
lequel nos poumons et tout notre organisme ne sont pas
encore parvenus à s’accorder.
Bardumal, pas plus que Korofon, ne possède d’habitations
; c’est simplement un endroit où des pierres surplombantes,
présentant des "excavations plus profondes et plus
spacieuses que celles de Korofon, servent d’abri aux bergers
qui, pendant quelques semaines de l’été, s’aventurent
dans ces régions désolées. Ils remontent même la vallée
beaucoup plus loin, et s’en vont parfois assez haut sur