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toucher sans les souiller.'Tout cela affecte étrangement les
papilles olfactives d’un nouveau débarqué !
Après un excellent souper, où les punkas (ventilateurs)
mus par un indigène nous procurent un peu de fraîcheur,
nous retournons au navire dans le vif désir d’y passer encore
une bonne nuit avant d’affronter le trajet en chemin de fer
de Bombay à Rawal-Pindi ; mais nous avons compté sans
les moustiques et sans la chaleur accablante des cabines,
qui font de cette dernière nuit en bateau un des souvenirs
les plus pénibles de notre séjour aux Indes. Aussi, au petit
jour, quittons-nous le navire en quête de fraîcheur matinale
et de couleur locale.
Eckenstein et Knowles se chargent des opérations de la
douane; nous pouvons donc disposer de la journée à notre
guise, avec rendez-vous à 5 heures à la gare.
Munis d’un casque indien, d’une ombrelle et de quelques
renseignements pris à l’agence Cook, nous allons en
voiture à la Tour du Silence, le .cimetière des Parsis. Cimetière
est une manière de dire, comme on va le voir. Les
Parsis sont les Israélites de l’Inde, maîtres d’une partie de
la haute finance et du commerce. Descendants de Persans
émigrés et implantés depuis plusieurs siècles dans les Indes,
et plus particulièrement à Bombay, ils ont conservé bon
nombre des coutumes de leur pays d’origine, dictées par la
religion deZoroastre. C est ainsi qu’ils exposent leurs morts
tout nus sur un grillage placé au haut d’une tour bâtie sur
une éminence; en quelques minutes, des centaines de vautours
les dépècent et ne laissent que les gros ossements qui
tombent entre les barreaux de la grille, dans un puits perdu.
Seules, les dépouilles mortelles des indignes sont épargnées,
au dire des croyants ; et la vertu parsi doit être bien grande,
car jamais cadavre ne resta sur le grillage.
Question de sentiment à part, il faut avouer que ces gens
se défont de leurs morts d’une manière assez pratique, tout
en conciliant l’hygiène et les exigences de leur religion.
Nous aurions bien voulu visiter la Grotte Elephanta, dans
une île de la baie; mais le temps faisant défaut, nous nous
rabattons sur un bain de mer, suivi d’une promenade,
à l’heure où le tout Bombay élégant remplace son « Tour du
Bois » par une petite sortie sur la plage. >
Il y a quelques équipages de valeur, quelques belles
paires de chevaux ; mais le plus souvent ce ne sont que fiacres
de louage attelés de haridelles efflanquées et tarées.
La grande majorité des promeneurs est composée, fait
unique dans ce pays, de dames et jeunes filles parsis, au
visage découvert. Dans le reste des Indes, les femmes sortent
le moins possible et toujours en voitures grillées, bien
protégées des regards indiscrets ; leur visage en outre est
toujours caché sous un voile plus ou moins épais, ne laissant
apercevoir que des yeux noirs ; tandis que les Parsis, à
Bombay, affranchies de cette coutume, ne dédaignent pas de
faire voir leurs traits, souvent d’une grande pureté, ou leurs
formes sculpturales qu’une légère gaze voile parfois à
peine.
A 5 heures nous retrouvons nos camarades anglais, qui
se sont tirés à bon compte des ennuis de la douane ; les receveurs,
des plus aimables, n’ont pas fait ouvrir un seul
colis, se contentant des déclarations écrites confectionnées
le jour précédent. Mais-une caisse de skis leur causa de
longues perplexités, avant d’être pour nous une continuelle
-source d’ennuis : dans quelle catégorie faire rentrer
ces engins, non encore prévus par les tarifs douaniers de
l’Inde?
Si le proverbe : « Dans le doute abstiens-toi » est loin encore
d’être admis par les gabelous, dans le cas particulier,
cependant, l’article était si étrange èt si nouveau quTlsdais-
sèrent entrer ces malheureux skis en franchise : faible
compensation anticipée pour tous les ennuis à venir!