Comme les montagnes commencent à se découvrir et
que le ciel se nettoie, je me mets en devoir de dessiner le
panorama de Rhobutse ; les montagnes de la rive nord du
Baltoro sont si belles que je serais navré, en cas d’accident
à mes plaques photographiques, de n’avoir pas le plus petit
souvenir de ces spectacles grandioses.
Deux groupes spécialement attirent notre attention : celui
que nous avons immédiatement en face de nous, au nord,
(r3br) Rive Nv; du. Balt6rô, vis-à-vis de Rhobutse.
est un fouillis de pics aigus, de dents, de cornes, de cornettes,
de tout ce que la création a pu "inventer d’abrupt, de
vertical, de surplombant même ; espèce de massif du Mont-
Blanc, dont on aurait exclu le Mont-Blanc lui-même, pour
ne laisser subsister que les Géant, les Dru, les Grépon, les
Gharmoz, les Requin ; en leur donnant 3,500 à 4,000 mètres
d’altitude à leur base, vous serez encore loin de la réalité.
L’autre groupe, pour être plus modeste, n’en est pas
moins aussi formidable que tout ce que l'on peut trouver
dans nos Alpes ; nous l’avons baptisé le « Thr.ee Castles » à
cause de ses trois sommets assez analogues à de vieux donjons
ruinés.... et aussi en souvenir d’une des nombreuses
variétés de tabac dont est pourvue l’expédition.
Le lendemain matin, pendant qu’on lève le camp,
j’achève le dessin commencé la veille ; puis, à 7 heures, nous
nous engageons entre le glacier et la montagne. Au bout de
3/4 d’heure,,on met le pied sur la glace pour y rester jusqu’au
parao de Rdokass.
( i 3i .) Sommets sans nom, en face de Rhobutse.
Nous traversons successivement trois tributaires^ qui
pourraient passer chez nous pour des glaciers très respectables,
mais qui ne nous font déjà plus l’effet que de miniatures
; vu leur inclinaison, leur marche doit être assez rapide:
témoin la finesse de leur grain, dont les plus gros n’ont
guèraplus d’un centimètre de diamètre.
En retournant quelques pierres, je trouvai une quantité
assez considérable de puces du glacier, dont je fis une
provision destinée à M. le professeur Forel.