téressant que de voir les femmes et les enfants enlever constamment
les mauvaises herbes dans les champs de céréales,
comme dans nos vignes en Europe.
De longues et belles allées de saules ou de mûriers relient
les villages, et l’on fait fréquemment une lieue et plus
sous un dôme de verdure ininterrompu. Les deux étapes de
Parkütta et de Gol furent de ce fait d’entre les plus agréables
de tout le voyage ; nous sentons aussi que nous approchons
de Skardu, dont deux journées dé marche seulement nous
séparent encore ; tout le monde a plus d’entrain, en pensant
aux jours de repos qui vont nous réconforter.
Nous proposons à nos nouveaux coolies, les derniers que
nous engagions, de faire
d’une traite les deux étapes
qui restent, à condition bien
entendu de les payer pour
deux jours; ils acceptent avec
grand plaisir et, le soir même,
font la répartition des charges,
de manière à n ’avoir
pas de temps à perdre le lendemain
matin.
Le 12 mai, à 5 heures, six
{76.) Sermi et l'Indus.
chevaux de selle piaffaient d’impatience devant nos tentes ;
pour la première fois, nous nous décidons tous à user
de ce mode de locomotion plus rapide, que jusqu’à
présent Eckenstein, Knowles et Crowley ont seuls employé
; je choisis un poney qui ne paie pas de mine, et
que mes camarades regardent avec compassion. A 6 Va h.
nous partons au galop, et bientôt nous débouchons dans
une plaine de sable semée çà et là d’énormes blocs de
rochers, au milieu desquels le sentier se faufile en faisant
souvent de brusques contours ; mais nos montures n’y prennent
pas garde et, pendant plus d’une heure, notre allure ne
ralentit pas ; cependant, à la fin, Pfannl et Wessely, puis
Crowley déclarent que leurs chevaux n’en peuvent plus, et les
mettent au pas, tandis qu’Eckenstein et Knowles, piqués au
vif par l’entrain de mon poney, excitent les leurs et s’efforcent
de ne pas se laisser distancer ; peine perdue et, bon gré
mal gré, après un dernier effort, je finis par passer en tête de
la colonne.
Cette petite satisfaction obtenue, je règle dès lors mon
allure sur celle de mes camarades, et laisse Eckenstein,
comme de juste, prendre bientôt les devants pour entrer à
Skardu. Pour ma part, préférant ne pas arriver en nage et
attendre longtemps nos coolies et nos bagages, je finis la
dernière partie de l’étape au pas, jouissant de la beauté du
paysage, de l’air frais que l’on aspire avec volupté sous les
longues allées de saules, de bouleaux ou de peupliers.
Avant d’atteindre Skardu, on traverse encore un dernier
défilé barré par un vieux fort sous lequel on passe à travers
une poterne surbaissée en se penchant fortement sur l’encolure
du cheval. On se trouve en ce moment à une centaine
de mètres au-dessus du niveau du fleuve, dont on se rapproche
de nouveau en descendant dans un bas-fond rongé
anciennement par le courant. Une bonne route ombragée
d’une triple rangée de saules mène au bas d’une falaise, que
nos chevaux remontent un peu péniblement et l’on débouche
enfin dans la plaine de Skardu; un dernier temps de galop,
et l’on met pied à terre devant un joli dak-bungalow.
Nous avons donc fait le trajet de Srinagar à Skardu,
comme c’était prévu, en 17 journées, grâce à l’organisation
parfaite des relais par le gouvernement. Il est possible que,
dans d’autres circonstances, le voyage ne s’accomplisse pas
aussi rapidement, ni avec une telle précision, qui n’a d’ailleurs
.rien d’oriental ; car nous n’avons pas eu le moindre
accident, malgré le nombre relativement élevé des ¡porteurs,
les sentiers parfois détestables, et les charges considérables.