de plus en plus intense à mesure qu’on prolonge le séjour
dans ces régions inhospitalières ; notre Hémoglobine s’est
abaissée au 80 o/0 du taux normal.
L’essoufflement devient de plus en plus prononcé, et la
pauvreté du sang produit bientôt des vertiges, des étourdissements
toujours plus fréquents ; une profonde inspiration
les dissipe au début ; mais bientôt une seule ne suffit plus,
et le malaise se reproduit chaque fois qu’on se baisse et
qu’on se relève rapidement, pour ne cesser qu’après dés inspirations
toujours plus nombreuses. '
Il est vrai que, au retour d’une ascension, on se trouve
pour quelques jours en meilleures dispositions physiologiques
qu’au moment du départ ; mais ce bien-être ne dure
pas; pour le prolonger il faudrait un régime de viande et de
légumes frais, additionné de quelques gouttes d’alcool (vin
généreux ou champagne) pour les individus qui en usent en
temps ordinaire. Ajoutons que, l’eau ne bouillant plus qu’à
78 ou 80 degrés centigrades1), toute une catégorie d’aliments
ne pouvaient être ramollis; le riz et les légumes secs en particulier
exigeaient une cuisson trop prolongée et, malgré
cela, n’arrivaient plus au degré voulu de macération pour
remplir leur but nutritif.
Bref, le bien que l'on pourrait se faire à la longue au point
de vue de l’acclimatement, est rapidement annihilé par le régime
des conserves, avant tout débilitant.
Nous en avons tiré la conclusion que c’est une erreur
profonde que de chercher à prolonger un séjour au-dessus
de 5000 mètres sous prétexte de s’acclimater, à moins qu’on
ne puisse bénéficier en même temps d’une nourriture normale.
Sauf dans ces conditions, pour atteindre 7 ou 8000
') La pression atmosphérique était mesurée au moyen de l ’hypso-
mètre de Regnault, et les corrections faités au moyen dé la table du
D r Bosshard, de Winterthour, que nous avons complétée de 5000 à 9000
mètres. Nous avions en outre trois anéroïdes anglais dont nous n ’avons
pas eu lieu d’être pleinement satisfaits.
mètres, une fois la montagne en vue, le mieux est de profiter
des premiers beaux jours pour tenter l’ascension finale :
chaque jour de retard diminue les chances de réussite.
Sauf erreur, cette façon de voir est absolument nouvelle^
D’autres constatations le sont moins, mais valent cependant
la peine qu’on s’y arrête.
Les aéronautes qui ont atteint ou dépassé 9000 mètres
d’altitude ont été pris, quand ils n’y sont pas morts, de syncopes
provenant de l’arrêt du courant sanguin dans la circulation
terminale du cerveau ; cet arrêt est provoqué par l’air
dissous dans le sang qui s’isole et se dispose en «chapelets»
dans les capillaires, opposant un obstacle insurmontable à
sa progression.
Mais, tandis que cette précipitation de l’air se produit
inévitablement lorsque l’ascension se fait trop rapidement,
en montant lentement et pour ainsi dire insensiblement, cet
accident ne peut avoir lieu ; et je crois pouvoir affirmer que
l’on atteindra les plus hauts sommets du monde avec moins
de troubles physiologiques en les gravissant lentement, voire
péniblement, qu’en s’élevant à leur hauteur en ballon ; si
nous n’avons pu dépasser les 7000-mètres, on a vu que la
cause n’en est point dans des indispositions d’ordre physiologique.
Si la tension de l’oxygène diminue selon les proportions
de la loi de Mariotte, il nous a paru, à différentes reprises,
que les conséquences inévitables de cette diminution étaient
en partie neutralisées par la pression mécanique du vent;
nous observions spécialement une facilité plus grande à respirer,
et conséquemment une moins grande lassitude, lorsque
nous nous trouvions sur une arête où l’air était renouvelé
plus fréquemment que dans les endroits encaissés où
la stagnation de l’air, niée par d ’aucuns, exerce à mon avis,
dans une forte mesure, son action débilitante.
Par contre, je ne puis accepter la théorie du professeur
Mosso, de Turin, qui attribue à la diminution d’acide carbo