La seconde étape nous conduit à Rhobutse par un trajet
assez varié ; on longe en général la dépression entre le glacier
et la montagne, en restant le plus souvent sur terre ferme,
ou en courantjiur le dos de quelque moraine latérale, bien
distincte du glacier. Cet indice d’une légère diminution du
Raltoro n’e^t toutefois qu’apparent ; en réalité, comme nous
le verrons plus loin, tous les glaciers de 'ce bassin sont en
crue. ' - ’■* •
Une demi-heure avant d’arriver à l’étape, nous passons
(129.) Le « Three Castles ».
auprès de deux jolis lacs de formation analogue à celle du
lac de Merjelen (glacier d’Aletsch) ; ils s’appuient d’un côté
à la montagne et de l’autre au glacier, et paraissent se vider
à certaines époques : témoin les lignes horizontales marquant
un étiage très élevé au-dessus du niveau actuel. Une
quantité d’icebergs détachés du glacier flottent à leur surface,
et des débris de moraine tombent à chaque instant
du haut des parois verticales ou surplombantes du glacier,
en éclaboussant au loin. A notre retour, ces deux lacs n en
formeront plus qu’un, et nous obligeront à faire un détour
considérable.
Le parao se trouve à quelques minutes de là ; les indigènes
le nomment Rhobutse avec un rh prononcé à la façon
d’un ch en allemand bernois.
Au moment d’arriver, nos porteurs lâchant leurs charges,
et ne conservant plus que leurs bâtons, se mettent tout à
coup à courir dans la direction d’une petite éminence où
l’on distingue quelques murs en pierre sèche ; les premiers
arrivés se bornent à déposer leurs bâtons, et redescendent
tranquillement tandis que les après-venant, qui avaient
esquissé un petit pas de course, s’arrêtent subitement et
déposent leurs charges où ils se trouvent. Cette règle du
premier occupant est observée scrupuleusemènt, et nous
n’avons jamais eu à intervenir dans des contestations à ce
sujet. Il survient bien de temps à autre des discussions très
animées, assourdissantes ; mais jamais nous n’avons vu ces
hommes se battre, ni même esquisser un geste de menace ;
mieux que celà: durant plus de six mois passés dans le
Cachemire et le Baltistan, nous n’avons jamais vu donner
un coup de pied ou un coup de poing, si ce n’est par des
Européens !
Pendant que nos hommes aménagent leurs couchettes
pour la nuit, en élevant quelques petits murs de 50 cm. à
1 mètre de hauteur, en égalisant le sol et en le recouvrant
de carex, nous faisons'dresser la tente au sommet de 1 éminence
et passons tranquillement la soirée à explorer les
abords immédiats du camp ; la journée n’a pas été fatigante,
nous avons fait 3 heures de marche au plus, et, bien que
nous soyons au-dessus de 4,000 mètres, nous n’éproùvons
aucun malaise du fait de la raréfaction de 1 air. Pour la première
fois nous déterminons l’altitude avec l’hypsomètre de
Regnault : l’eau bout à 87°,4, correspondant à 13,314 pieds,
soit 4,158 mètres.