Nos peines sont terminées : la première et la plus pénible
partie du voyage est accomplie ; nous allons jouir pendant
quelques jours d’un repos bien mérité.
*
Et maintenant, comment résumer l’impression générale
que nous ont laissée ces deux versants si différents du
Zoji-la ?
Autant la vallée du Sind est gaie, riante, reposante, bien
cultivée et bien irriguée, autant la route est facile, peu inclinée,
on pourrait même dire bien entretenue, autant l’aspect
général se rapproche, toutes proportions gardées, de celui
de la plupart de nos vallées des Alpes, du Valais en particulier
; autant les vallées du Dras et de l’Indus sont mornes,
désolées, arides.
« Celle de l’Indus a, en particulier, une singulière monotonie
dans sa grandeur dénudée, avec ses vastes versants
pierreux, tous de même aspect, sa succession de précipices,
ses ravins latéraux, ses déserts de roches brisées et écroulées,
sa rivière grondante, coulant toujours dans la profondeur,
avec une changeante dignité. Ses oasis fertiles se
ressemblent beaucoup entre elles, et de même les «parris »
(pierriers, parois rocheuses) qu’il faut escalader les uns
après les autres. Par ci par là, nous passions devant une
mare verte, laissée au pied de quelque falaise par la
décrue des rivières ; mais ces joyaux de couleur- éclatante
étaient -rares dans ces régions désertes où presque
rien ne trouble la monotonie du sable gris à vos pieds, du
granit ocreux à vos côtés et des collines pourpres devant et
derrière... Les pentes de la vallée sont couvertes de profonds
dépôts alluviaux et de restes d’avalanches de boue, et c’est
par là que passaient nos sentiers sinueux et raboteux. Il n’y
avait pas, à proprement parler, de «parris » à escalader; tout
l’ensemble n’était qu'un parri et le sentier était souvent abominable,
trop raide pour que nos faibles poneys pussent
nous y porter à la montée, trop raide aussi pour que nous
pussions nous en servir à là descente» (Conway, Himalaya,
p. 217 et 218), - )■’ : . ' - :
C A mesure cependant qu’on se rapproche de Skardu, cette
uniformité sévère et presque sinistre
fait place à un peu plus de
variété ; les teintes du vert
)| sombre au jaunâtre apparaissent
de plus en plus,
pour dominer et s ’épanouir
enfin dans la plaine
au centre de laquelle Skardu
étage ses nombreux
hameaux.
Ce sentiment d’oppression,
(77.) Fort cle Skardu.
sous lequel
on est pour ainsi
dire constamment
étreint, fait place
rapidement à une
quiétude, une béatitude
même,qu’on
n e retrouvera qu’au (78.) Colline, à l'entrée du Deosaï, près de Skardu.
retour, à Srinagar.
Pour le moment, nous nous laissons vivre sans trop de
soucis et attendons les coolies d'un moment à l’autre.