de nouveau à sa poursuite dès qu’il faisait mine de s’arrêter
en route; et ces courses et ces sauts mêmes, au milieu de
pierres tranchantes, ne paraissent pas les incommoder outre
mesure, tant ils y sont entraînés ! Ils ont encore d’autres
raisons d’enlever leurs souliers à la moindre occasion : la
crainte de les user trop rapidement, et surtout le fait qu’ils
adorent de pouvoir se mettre les pieds au chaud sur les
pierres exposées au soleil, les font passer sur les petits inconvénients
d’aller nu-pieds.
Nous ouvrons pour la première fois une kilta de provisions,
remplie de boîtes de conserves les plus variées, à
raison de douze rations journalières pour un individu. Les
premiers temps, il nous semblera toujours arriver avant le
temps prescrit au fond du panier, où il ne reste bientôt plus
que le pétrole et l’esprit de vin, calculés trop largement;
m&is, à mesure c[ue nous subirons ce régime, lJinverse se
produira rapidement; à tel point que bien des boîtes ne
seront pas même ouvertes.
Dans l’après-midi, une bourrasque de grésil nous assaillit
pendant quelques minutes, alors que nous rédigions les
notes de la journée ; puis un soleil trop brillant réchauffa
tellement l’intérieur de la tente, qué nous prîmes les appareils
photographiques et partîmes en quête de motifs. De
temps à autre, le vent balayait les brouillards sur un groupe
de montagnes, qui apparaissaient alors pendant quelques
instants dans toute leur splendeur. J’essayai aussi,’et dès
lors à plusieurs reprises, de badigeonner la glace pour l’expérience
de M. F.-A. Forel; mais je ne pus jamais trouver
de grains d un diamètre supérieur à cinq ou six centimètres;
ce fait tient à l’âge relativement jeune de la glace, venant de
vallées latérales abruptes d’où elle descend rapidement jusqu’au
Baltoro ; en effet, le bord sud du Baltoro est formé
superficiellement des affluents latéraux, tandis que la glace
provenant des régions éloignées, comme par exemple du
Trône d’Or, occupe les parties profondes et difficilement
accessibles ; ce n’est qu’à l’extrémité inférieure du glacier
principal qu’au retour, je pus trouver des grains de douze et
même de quinze centimètres.
Au camp, nos hommes nous accablèrent de remerciements
pour la farine que nous leur avions distribuée en arrivant
à l’étape ; nous avions fait bonne mesure, et ils tenaient
à nous en témoigner leur gratitude. Une fois de plus, nous
eûmes la satisfaction d’avoir contenté tout le monde en surveillant
nous-mêmes la répartition de ce qui leur était dû et
en ne nous désintéressant
l’excédent de cette farine Lacs et vaIlon de Liliço.
sans léser personne, tandis
que de cette façon chacun bénéficiait de notre mesure.
A 2 heures arrive le courrier de Pfannl et Wessely, et à
3 heures celui de Crowley ; les nouvelles qu’ils nous apportent
ne sont pas gaies : ils ont eu de la neige'qui prend pied,
et les hommes ont froid ; heureusement, ils ont trouvé un
peu de combustible au camp III, mais au IIe, seulement
quelques tiges sèches d’absinthe.
Dans la soirée, cependant, le temps paraît se remettre au
beau, et de fait les jours suivants seront meilleurs.