un trou fait en terre, et dont ils aspirent à plat-ventre la
fumée, par un petit canal également en terre. Quelques-uns
possèdent une pipe à eau; dans les haltes, elle circule de
mains en mains, et chacun, aspirant cinq ou six bouffées,
la passe à son voisin.
Gomme vêtement, ils ont un pantalon serré à la ceinture,
avec canons très larges, allant jusqu’au genou ou au mollet,
et une chemise qui pend sur le pantalon ; ces deux vêtements
sont en laine blanche, mais le plus souvent rapiécés à l’infini
; ils emportent en outre une grande couverture, également
en laine, dans laquelle ils s’enveloppent au camp et
pendant la nuit; en route, ils la rabattent en plusieurs doubles
sur les épaules, pour moins sentir les cordes qui servent
de bretelles à leurs charges. Quelques-uns ont un turban
(« pagri»), mais la plupart n’ont qu’une petite calotte,
terminée en bas par un bourrelet, coiffure caractéristique
du Baltistan et du Thibet; enfin, comme chaussures, nous
leur avons fait faire des bottes en peau de mouton, la
laine en dedans, très souples, quoique jamais graissées ;
nous avons engagé un cordonnier qui, en une semaine environ,
en a fabriqué plus d’une centaine de paires ; il est
vrai que chacun s’aidait en cousant les tiges et en ajustant
la semelle, une fois celle-ci coupéeet mise en place.
Ils ont des cordes, de la ficelle, assez grossières mais
extraordinairement souples, faites en poils de chèvre ou en
crins provenant de la queue des yacks. Pour les fins ouvrages,
nous leur donnons de la fine ficelle ou du fil ; un peloton
de fil est pour eux un cadeau inappréciable, de même que
des aiguilles, et les mouchoirs de cotonnade bariolée.
En résumé, ces gens sont bien plus endurants que nous
autres Européens, qui, sous la tente, devons souvent revêtir
nos plus chauds habits, dès que nous ne nous donnons pas
d’exercice.
Pourtant, j usqu’à présent, nous avons eu à nous plaindre
du chaud plus que du froid. Le thermomètre n’est descendu
qu’une fois à 2°, et dès que le soleil brille, il lui arrive de
marquer plus de 35°. Sous les tentes, on est très bien dans
la journée, quand il ne fait pas de soleil ; mais, dès qu’un
rayon vient les frapper, instantanément, la température
monte de huit à dix degrés, de sorte que nous sommes souvent
obligés d’en sortir pour chercher de l’ombre ailleurs.
Et cela à une hauteur de 3500 mètres.
* *
Le 9 juin, à 7 heures, Crowley, accompagné d’une vingtaine
d’hommes, quitte le camp de Paiyu, avec mission de
reconnaître la route et de trouver des emplacements favorables
pour la nuit, si possible au bord du glacier ; chaque
jour il renverra un homme en arrière, porteur d’un message
indiquant la route suivie, les particularités ou les difficultés
rencontrées, le lieu où il s’ëst arrêté. Il devra autant que
possible jalonner le chemin parcouru au moyen de cairns
(steinmann), ou simplement en redressant quelques pierres
qui attirent le regard précisément par leur position anormale.
Lorsqu’il sera arrivé en vue du Ghogori, il devra s’arrêter
et attendre le gros des bagages et ses camarades européens,
pour discuter en commun l’attaque de notre géant ;
car il est expressément entendu qu’on ne tentera pas d’ascensions
isolées.
Crowley emporte douze jours de vivres, son matériel de
campement et la nourriture de son personnel, à raison d’un
kilo de farine par individu et par étape ; l’homme qui redescendra
touche en outre un kilo pour deux étapes. A 2 heures,
le premier messager de Crowley revient déjà, porteur
d’un billet annonçant que la petite caravane est très bien
arrivée, malgré un têmps déplorable et un glacier mal commode
à traverser; ils ont mis quatre heures et demie à atteindre
le campement de Liligo et s’apprêtent à repartir le
lendemain dans les mêmes conditions.
Dans la journée, en finissant de reviser nos kiltas et