glaciaire que j’aie vu jusqu’à présent ; auprès d’elle les célèbres
grottes de Grindelwald, du Gletsch ou de Chamonix
ne seraient que des trous de souris.
Le niveau supérieur de ce lac disparu est très bien marqué
par une ligne horizontale qui atteint à peu près le haut
de la voûte, à plus de 50 mètres du fond. Mais cela ne donne
encore qu’une faible idée de l’épaisseur totale du glacier,
car le fond du lac était certainement bien loin d’en atteindre
les couches inférieures.
Le reste de la traversée est assez facile, et vers 11 heures
nous arrivons à Lhungka, un peu avant les coolies, qui se
sont attardés dans la partie tourmentée du glacier. En les
attendant, je vais faire quelques photographies et récolter
quelques plantes. Elles deviennent de plus en plus rares ;
pourtant, quoique nous ne soyons là-haut qu’au premier
printemps, déjà quelques saxifrages, quelques anémones
et des crucifères ont fait leur apparition. Par contre, le combustible
paraît manquer; cependant, à peine arrivés, nos Baltis
s éparpillent dans les rochers voisins et reviennent bientôt
avec de grandes bottes de tiges desséchées d’absinthe.
Pour en finir avec cette grave question du combustible,
je dirai que dans toute la vallée d’Askoley, il n’existe à proprement
parler pas de forêts ; les seuls arbres qui croissent
spontanément sont des thuyas rabougris, des vernes et des
saules très clairsemés ; car on n’a pas encore songé à reboiser
les vastes pentes sablonneuses de toutes ces montagnes.
L’absinthe y règne en maître : vraie peste, accaparant
le peu d’humus au détriment des graminées, et dont les
troupeaux se contentent faute de mieux, elle est la plaie
de toutes ces régions ; les indigènes en tirent parti comme
combustible, d’autant plus que nombre de villages n’en ont
pas d’autre. On voit souvent, le soir, descendre des montagnes
de longues théories d’hommes ou de femmes, chargées
d’énormes bottes de ces tiges, qui, de loin, paraissent
être du foin.
Il suffirait cependant de quelques années pour reboiser
ces vastes espaces dénudés qui pourraient être si verts et si
fertiles.
Il existe enfin une dernière ressource, mais elle est moins
usitée dans les vallées du bassin de l’Indus que du côté du
Cachemire et du Deccan ; elle consiste à faire sécher les
bouses au soleil, le plus souvent'contre un mur bien exposé
; on ne peut prétendre à une flamme bien brillante ;
mais, en cbarbonnant, ce combustible peut rendre des
services. En Afrique il est d’un usage beaucoup plus général,
la ressource de l’absinthe n’existant pas ; on le pratiqué
aussi sur quelques points des Alpes orientales.
L’emplacement du camp n’est pas considérable ; Crowley
a fait édifier, au devant d’une excavation produite par une
paroi surplombante, un petit mur que les hommes de
Pfannl et Wessely ont agrandi, et que les nôtres à leur tour
achèvent et exhaussent suffisamment pour être mieux à
l’abri qu’ils ne l’ont été jusqu’à présent.
Nous avons à peine pris nos dispositions pour le reste
de la journée, qu’un messager d’Eckenstein arrive avec le
courrier d’Europe ; il y a des lettres pour tout le monde, de
sorte que nous réexpédions plus haut le messager, qui ne
craint pas la fatigue ; il a d’ailleurs tout avantage à doubler
êt tripler les étapes, car il est payé non par journée, mais
par parao et reçoit en outre 1 kilog. de farine par étape en
montant, et 1/2 au retour.
Plusieurs lettres n’ont mis que 35 jours depuis la Suisse
et toutes m’apportent de bonnes nouvelles, entr’autres celle
que je suis oncle depuis , le 3 mai. Nous nous empressons,
Knowles et moi, de souhaiter à ce petit neveu la bienvenue
dans ce monde, en faisant remarquer à ses parents qu’il est
probablement le premier nouveau-né Européen qui reçoive
des félicitations d’aussi haut; quand il saura lire et comprendre
ce que nous lui écrivons, peut-être germera dans