étaient devenues un agréable et presque indispensable passe-
temps.
Tandis que le brouillard, le vent et la neige faisaient rage
au dehors, que les éléments déchaînés ne nous permettaient
pas la moindre sortie, douillettement enfouis dans nos lits-
sacs d’édredon, on reprenait alors une Gazette entre quelques
parties d’échecs ou de piquet, et ; en avant les discussions
!
Et lorsque, le sujet épuisé, ainsi que les parenthèses et
digressions diverses auxquelles, en déviant, il donnait souvent
matière, la discussion se ralentissait, il nous restait
alors la suprême ressource : c’était, ne riez pas la quatrième
page !
Ah ! les bons moments que nous devons à cette quatrième
page, et combien d’heures charmantes.elle nous a procurées !
J’ai hâte d’ajouter que tous les articles de réclame n’étaient
pas l’objet d’une égale attention : le coutelier ou Je; fabricant
d’ameublements, la « demoiselle anglaise qui cherche
à entrer au pair dans une honorable famille du canton de
Vaud », ou l’énlrepreneur de pompes et transports funèbres
n’avaient pas le don d’exciter bien fort notre intérêt. La dernière
colonne pouvait parfois retenir un peu plus notre
attention, quand telle personne décédée était de notre entourage,
ou touchait de près quelque parent, ami ou connaissance
de l’un d’entre nous.
Mais tout cela était encore peu de chose en comparaison
■ des deux premières colonnes.
Oh ! cette liste interminable d’hôlels, la plupart de montagne,
réclamant, chacun à sa manière, l’attention d’une
clientèle chaque année plus nombreuse ! Plus elle était longue,
plus elle nous faisait plaisir. Cette fois, c’était pour nous
un terrain commun ; presque à chaque hôtel, tout au moins
à chaque station, se rattachaient quelques souvenirs, tantôt
isolés ou uniques, plus souvent revenant en foule à notre
mémoire.
Parfois ce n’était que le simple passage sans arrêt, en
gagnant une station plus élevée ; d’autres fois, la halte d’une
nuit ou simplement d’un repas pris en montant à une cabane
du club, ou en redescendant d’une ascension.
Mais, le plus souvent, c’était le séjour proprement dit de
l’un d’entre nous, le centre d’une saison d’excursions ou la
station choisie pour s’y reposer pendant les vacances, à la
suite de fatigues ou pour une convalescence ; enfin les stations
nouvelles, inconnues d’aucun de nous, ou dont l’hôtel
n’était qu’en construction à la dernière saison.
Alors les langues se déliaient de nouveau, et la conversation
languissante reprenait un nouvel essor, jusqu’à ce que
l’heure d’un repas ou l’arrivée de la nuit vînt amener un peu
de diversion.
Et les jours passaient ainsi, variés dans leur monotonie,
jusqu’à l’arrivée d’un nouveau courrier.....
# ■ #
Va, bonne vieille Gazette, nous t’en garderons toujours
un souvenir ému et reconnaissant.
Puisses-tu revivre bientôt ces jours de gloire où, malgré
ton âge et le poids de tes nouvelles, tu gagnais allègrement
nos tentes dans leurs solitudes glacées. Et si c’est à nous
que, dans de semblables et prochaines pérégrinations, tu
dois apporter de nouveau à 6000 — voire à 8000 mètres —
de bienfaisantes bouffées de l’air des Alpes mêlées aux échos
de la politique, nous n’en éprouverons ni moins de joie, ni
moins d’émotion qu’à notre première rencontre, là-haut !