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de s’assimiler les notions d ’hindoustani indispensables à.
une entreprise comme la nôtre.
Nous passons dans le bassin du Gange, vaste plaine où
le lleuve déroule ses méandres innombrables, presque sans
courant, puisque, à 4200 kilomètres de son embouchure, il
n’est guère à plus de 100 mètres d’altitude.
A Umballa, un officier anglais nous procure un second
domestique, qui deviendra Je chef de tout notre personnel ;
à Bombay nous en avions trouvé un premier, qui nous a
rendu quelques petits services dans les gares. On ne peut
pas voyager longtemps dans les Indes et encore moins y
séjourner, sans avoir un ou plusieurs domestiques; un. Européen
ne saurait faire aucun travail manuel sans être immédiatement
déconsidéré et sans perdre rapidement l’autorité
que les indigènes lui reconnaissent volontiers s’il se borne
à commander et à se faire obéir.
Notre nouveau domestique est d’origine pathane, contrée
à l’est de l’Afghanistan; mahométan et affranchi de certaines
idées de caste, il est imbu d’autres préjugés : ainsi, comme
il se prétend en droit de tuer son prochain pour une injure
ou une offense grave, il nous est bien recommandé de ménager
sa susceptibilité et surtout de ne pas nous livrer à des
voies de fait sur sa sacro-sainte personne, crainte de représailles
sanglantes. Il est vrai que, plus tard, ses notions de
probité se trouveront en défaut, et que nous serons obligés
de le chasser ignominieusement pour indélicatesses par trop
prononcées à l’égard de certaines de nos provisions.
Après Umballa nous entrons dans le bassin de l’Indus,
où nous allons rester plus de six mois.
Encore une nuit de chemin de fer et nous arrivons à
Rawal-Pindi dans la soirée du 24 mars, après nous être élevés
à 500 mètres environ au-dessus de la mer par une succession
de terrasses d’un terrain sédimentaire rougeâtre, de
formation récente et encore peu consistant, rongé sur les
bords et découpé en minuscules vallées où l’on peut étudier,
comme sur un schéma de démonstration, les phénomènes
d’érosion.
A notre descente du train, en faisant le compte des
bagages, nous ne pouvons trouver la caisse des skys; elle
était de dimensions si extraordinaires qu’elle n’a pu voyager
avec le reste des colis, et a été reléguée dans un wagon spécial
qu’on n’est pas pressé d’ouvrir; elle finit quand même
par revenir au grand jour et dissipe l’émotion que son absence
nous a procurée.
Par contre, les caisses expédiées à l’avance d’Europe
par l’agence Cook, et contenant entre autres les provisions,
ne sont pas encore arrivées à Rawal-Pindi. Force nous
est. de les attendre,'car il serait inutile et dangereux de
gagner Srinagar sans elles ; on risquerait même de compromettre
l’expédition. Nous, descendons au Lime Tree Hôtel,
qui à ce moment de l’année est bondé, de sorte qu’on loge
sous la tente. Notre première expérience de ce mode de
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