notre matériel, nous nous apercevons qu’il manque un certain
nombre de brûleurs de lampes Primus, ainsi que les
curettes pour ces brûleurs ; nous avons beau inspecter tous
les colis, nous n’arrivons pas à les retrouver. Un messager
envoyé à Crowley revient au bout de six heures, annonçant
qu’il n’a rien trouvé non plus. Voilà un gros souci en perspective
: nous avons six lampes Primus à pétrole pour notre
cuisine ; mais, qu'un brûleur vienne à manquer, ou simplement
à se boucher, la lampe est hors de service. Que cet
accident arrive à toutes à la fois, et nous voilà condamnés à
ne plus pouvoir faire cuire le moindre aliment, la moindre
goutte d’eau : ce sont tous les ennuis, les inconvénients, les
dangers inhérents à la privation de chaleur; c’est le régime
de la nourriture froide ; c’est le froid dans toute son horreur,
sans moyens d’y remédier, ayant du combustible et
des moyens de chauffage pour une demi-année, sans pouvoir
en tirer parti !
Pour le moment, toutes nos lampes fonctionnent d’une
façon convenable, et si nous ne possédons pas les brûleurs
de rechange, nous avons du moins la curette ; mais que la
petite tige d’acier, mince comme la pointe de la plus fine
épingle, vienne à se casser dans le brûleur, tout est perdu,
et le sort de l’expédition dépend maintenant de l’intégrité de
cet outil microscopique. Nous ne retrouverons ces malheureux
brûleurs qu’au retour à Askoley, où ils se sont égarés
— ô ironie — en compagnie d’une tondeuse et d’un paquet
de cure-dents.
Le 10 juin, Pfannl et Wessely quittent à leur tour Paiyu
avec 80 hommes environ, et suivent les traces de Crowley à
un jour de distance. Ils reçoivent les nouvelles de la première
caravane, et les complètent par ce qu’il leur parait
utile d’ajouter pour ceux qui suivent. Le troisième groupe,
comprenant le reste des coolies; sous les ordres de Knowles
et de moi, n’a qu’à suivre exactement les indications pour
avancer à coup sûr et sans tâtonnements.
Nous quittons donc Paiyu le 15 juin, laissant Eckenstein
avec un des chicaris, les nouveaux cuisiniers, dont nous
n’avons pas besoin pour le moment, et la petite troupe des
porteurs engagés au mois, qui transporteront la farine, puis
le pain, aux camps supérieurs, en faisant la navette, au fui
et à mesure des besoins, et qui redescendront en chetcher à
Askoley, une fois la provision épuisée.
Eckenstein doit surveiller le fonctionnement de ce ravitaillement.
Lorsque, d’après nos indications, il aura appris
qu’à la troisième étape du glacier se trouve un emplacement
aussi favorable que Paiyu pour ce service, il y transportera
son camp et le reste de notre personnel.
Seuls les autorités et les dignitaires de la vallée de Shigar
resteront au bas du glacier pour faciliter toute chose; et, à
notre re tour, nous aurons le plaisir de les retrouver à ce même
endroit de Paiyu et de les remercier de leurs bons offices.
Le chemin parcouru jusqu’aux camps supérieurs est sensiblement
le même pour tous les groupes.
Paiyu est séparé du glacier, distant de trois quarts
d’heure, par un grand cône d’éboulis qui le masque complètement
et, dans une certaine mesure, tient lieu d’écran ; de
telle sorte que cet emplacement est de beaucoup préférable
à un autre, situé au pied même du glacier, mais exposé au
vent froid qui en descend.
La rivière sort de la base du glacier par une magnifique
voûte, précipitant ses eaux boueuses avec une force telle,
qu’il serait inutile de songer à la traverser à gué; le seul
moyen de passer sur sa rive gauche est d’employer le pont
naturel que forme le glacier lui-même. Son épaisseur peut
être de 120 à 150 mètres dans la partie où nous l’avons attaqué,
mais à un kilomètre ou deux plus haut, elle est certainement
doublée par l’apport d’un glacier latéral qui, ayant
considérablement augmenté récemment, chevauche depuis
peu par dessus le glacier de Baltoro ; il s en difféiencie