Pendant une heure, nos hommes s’évertuent à faire
avancer ce véhicule qui ne leur dit rien qui vaille ; tous les
vingt ou trente mètres, ils sont obligés de s’arrêter pour reprendre
haleine, après les efforts désespérés et les secousses
sans nombre qu’ils impriment au traîneau. Au passage d’une
crevasse un peu large, le pont de neige s’effondre, entraînant
toute la charge, et voilà nos douze jours de provisions, nos
abris et nos lits au fond d’un glacier don! il n’est pas aisé
d’estimer la profondeur ; heureusement que les skys sont
solides : malgré les trois ou quatre cents kilos qui pèsent en
leur milieu, ils coincent dans la crevasse, comme tous
les colis ont été solidement encordés, les efforts combinés
de nos Baltis réussissent à les extraire de leur prison de
glace en un seul bloc. Mais personne ne tient à renouveler
cette expérience malencontreuse, et, à peine les bagages ramenés
à la surface, chaque porteur s’empare d une charge
et file d’un pas plus allègre !
Le reste de la montée s’effectue sans autre aventure, mais
les efforts pour tirer le traîneau et le sortir ensuite de la crevasse
ont exigé une assez grande dépense de force, vu l’altitude,
et l’allure de nos hommes s’en ressent bientôt ; nous
ne sommes pas pressés heureusement, et ce n’est que vers
11 heures que nous atteignons l’emplacement qui va devenir
notre plus haut camp de concentration.
Pfannl rentre au même moment d’une reconnaissance
dans la direction de la brèche ; mais le brouillard l’a empêché
de poursuivre bien avant ses investigations.
A peine les coolies arrivés et la tente dressée, la neige se
remet à tomber, mais avec un peu moins de violence qu’au
camp inférieur, bien que les nuages courent dans le ciel
avec la même rapidité.
Notre nouveau camp est installé au pied d une paroi de
protogine au milieu de laquelle court une bande plus ou
moins horizontale d’une roche absolument noire, également
de formation éruptive ; H et là, quelques veines d’un jaune