monde, alors que jusqu’à présent ils achetaient le nécessaire-
à mesure pour un demi-anna (5 centimes). Ces hommes se
contentent d’une nourriture beaucoup plus frugale que la
nôtre ; du pain en galette (tschupatis), des noyaux d’abricots
et de l’eau ; veut-on leur faire une « tamasha »., une grande
fête dont ils se montreront longtemps reconnaissants? il
suffit de leur payer un ou deux moutons à se répartir.
A nous autres Européens, la vie revient sensiblement
plus cher; il est vrai que nous avons de la viande à chaque
.repas, que nous monopolisons tout le lait et tous les oeufs
disponibles de la contrée, et qu’on ne nous fait pas des prix
d’amis. Pourtant, un mouton, qui nous dure deux jours,
nous est vendu 2 à 3 roupies (3 fr. 50 à 5 fr.), un poulet
4 annas, et 20 centimes la douzaine d’oeufs : prix exorbitants
pour la contrée. Tout compte fait, y compris le combustible,
la vie nous coûte environ une demi-roupie (85 centimes) par
jour et par homme ; si nous n’avions que ces seules dépenses,
nous aussi ferions des économies fantastiques.
A partir d’Askoley, on ne rencontre plus de villages et
partant plus de ressources : considération de la plus haute
importance, à laquelle les expéditions précédentes n’avaient
pas songé.
En réduisant au strict nécessaire les bagages que nous
allons emporter sur le glacier, y compris les trois mois de
provisions qui voyagent dans les kiltas depuis Srinagar, il
nous faut encore 150 hommes au moins ; mais, pour les
nourrir pendant une vingtaine d’étapes, une centaine de porteurs
supplémentaires chargés presque uniquement de farine
est à peine suffisante au début; et plus tard, une fois que le
gros des bagages sera arrivé aux camps supérieurs, au pied
même du Chogori, il restera encore une trentaine d’individus
à notre charge : chicaris, domestiques, aides de cuisine, plus
un certain nombre de porteurs destinés à déplacer un camp
lorsque les circonstances le permettront. Enfin, il faudra
laisser un personnel relativement considérable au bas du
glacier pour cuire le pain de nos Baltis et surtout le transporter
huit étapes plus haut. Et à tout cela viendront s’ajouter
encore bien d’autres soucis, comme on le verra.
Deux jours après notre arrivée à Askoley, nous eûmes la
grande joie de voir arriver le premier courrier de Skardu, il
avait effectué en quatre jours le même trajet que nous.. La
réussite de ce premier essai nous causa un vif plaisir. nous
avons maintenant la certitude de rester en correspondance
avec nos amis des Indes et d’Europe, de pouvoir les rassurer
sur notre sort.
Comme le « facteur »
attend, nous passons
le reste de la journée
et une partie du lendemain
à terminer
nos lettres, à écrire
nos rares cartes de
Skardu. C’est si bon
de pouvoir ainsi
s’entretenir à distance,
de penser au
chemin que les
lettres vont parcou- (97-) Campement sous les peupliers à Askoley.
rir, à la joie qu’elles
vont apporter et aux réponses qui ne nous parviendront
qu’au retour.
Un second courrier arrivera de Skardu le 3 juin, également
en quatre jours, apportant beaucoup de lettres d Eu-,
rope, dont quelques-unes n’ont mis qu’un mois exactement,
ce qui constitue jusqu’à nouvel ordre un record : il ne pourra
guère être dépassé, tant que ce primitif service postal per-
SistGFcl.
50 hommes, partis le 29 mai avec les kiltas renfermant
la nourriture d’Europe, à laquelle nous ne devons toucher
qu’une fois sur le glacier, ne reviendront que dans cinq