À la langue terminale du glacier, je refais l’expérience du
professeur Forel, et j’ai le plaisir de constater des grains de
glace dépassant 10 centimètres de diamètre, les plus grands
que nous ayons observés.
A Paiyu, nous retrouvons de vrais arbres, à l’ombre desquels
nous nous reposons enfin. Nos misères vont finir ;
quelques jours encore, et nous retrouverons les champs
cultivés, les arbres fruitiers, la vie normale, sinon le confort
dit moderne de nos hôtels alpestres.
A Bardumal, Growley, repris par sa malaria, est obligé
de s’arrêter un jour; Eckenstein et Knowles continuent jusqu’à
Korofon. Deux Baltis et Eckenstein réussissent à traverser
de nouveau le Punmah ; mais Knowles est entraîné
par le courant d’une violence extrême, et ne doit probablement
son salut qu’au fait qu’il était encordé ; il est obligé de
remonter fort haut, jusqu’au pont de cordes que nous avions
évité en venant.
Le jour suivant, je veux les imiter; mais, quoique déshabillé
pour nager plus à mon aise, je ne puis non plus traverser
: entraîné à mon tour, le courant me rejette sur la même
rive, et, bon gré mal gré, je dois faire aussi parle pont de
cordes, un détour de trois heures environ agrémenté d’une.
partie de varappe où nos Baltis se montrent aussi bons
grimpeurs qu’endurants sur la glace.
* *
Enfin le 19 nous arrivons en vue d’Askoley; mais personne
ne se sent disposé à risquer sa vie à travers ce village;
et, quand les indigènes viennent à notre rencontre nous
saluer, nous les évitons autant que possible. Nous longeons
la rivière, en prenant les précautions d’usage en pareil cas,
jusqu’au pont de cordes de Monjong. De l’autre côté du
Braldoh, nous nous sentons plus en sécurité, et faisons
dresser les tentes; l’une d’entre elles est mise à part, et servira
à la désinfection sommaire des objets laissés à Askoley
qui nous sont rendus dans l’après-midi. Seuls nos échantillons
minéralogiques et nos pierres précieuses restent enfouis
au pied de nos peupliers !
Crowley, qui a conservé un souvenir particulièrement
agréable de la source sulfureuse et de son bassin romantique,
n’a pas traversé la rivière : il continue directement sur
la rive droite, sans souci du choléra, en évitant toutefois de
traverser les trois villages où quelques convalescents sont
(196.) Vue d’ensemble des sources sulfureuses.
encore aux prises avec la maladie. Après avoir installé la
tente de désinfection, je le rejoins.
Nous apprenons des indigènes que la route de la vallée
n’est plus fermée-: il n’est donc pas nécessaire de passer le
Skoro-La pour gagner Shigar et Skardu. Mais Eckenstein a
déjà pris ses dispositions pour traverser le col, espérant
gagner deux jours de marche.
Seulement Growley, depuis qu’il entrevoit la perspective
de descendre la rivière en radeau de Dasso ou Yuno, à