Nous n’avons également rencontré que très peu de cascades
et pour ainsi dire pas une seule chute d’eau véritable ;
les fleuves et rivières se précipitent en mugissant entre des
parois rocheuses étroites, mais ne sont jamais coupés de
bancs à pic ou surplombants; cela tient probablement encore
au fait que l’eau, très chargée par l’érosion intense, use rapidement
les obstacles et nivelle le lit des rivières, en leur
donnant nne inclinaison régulière.
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Les glaciers nous ont fourni quelques observations intéressantes
.
D’abord tous, sans exception, sont en crue manifeste :
leurs moraines frontales sont constamment en mouvement,
et il ne se passe pas une minute sans qu’un éboulement ne
s’y produise; la masse de glace de leur langue terminale déborde
et domine le dos de la moraine, souvent de plus de 20
et 30 mètres, refoulant et décapitant le faîte de ces formidables
murs de pierre.
Certains phénomènes, analogues à ceux de la plupart de
nos glaciers alpins, se retrouvent souvent dans des proportions
étonnantes sur le
Baltoro. Les lacs semblables
à celui de Mer-
jelen, au glacier d’A-
letsch, s’appuyant d’un
côté à la base de la
montagne et de l’autre
au glacier lui-mème,
se vident de temps à
autre ; lorsque la débâcle
se produit alors
que la surface de l’eau
est encore gelée,
les (268.) Pyramide de glace. blocs de [glace recouvrent
complètement le fond du lac et en épousent le
relief.
Nous avons rencontré à plusieurs reprises des pyramides
de glace absolument pure, au milieu du glacier entièrement
enfoui sous les débris morainiques ; elles proviennent de
tributaires surplombants, qui s’écroulent par grandes masses,
et dont les débris remaniés sont entraînés par le glacier
principal dans sa progression séculaire. Ces pyramides, de
20 mètres et plus de hauteur, se trouvent parfois réunies en
grand nombre, formant des allées de plusieurs kilomètres
de longueur, et donnent l’impression de grands cortèges de
pénitentes en voiles blancs.
La limite inférieure du névé remontait, au commencement
d’août, à 5700—5800 mètres sur la branche orientale
du glacier de Godwin-Austen ; il est probable que, dans
les années normales, cette limite est refoulée encore plus
haut.
La végétation des moraines vivantes (gandèques de Forel)
est singulièrement développée et bien plus intense que dans
les Alpes. Cela tient au fait que l’épaisseur de la terre qui
recouvre la glace et qui est humectée par l’eau de fusion,
est assez forte pour permettre aux graines de germer et de
prendre racine, puis de prospérer malgré la base froide sur
laquelle elles reposent ; certains exemplaires attestent un
voyage considérable sur le glacier et accusent un âge avancé;
tels éphédras ou hippophaës ont plus de 15 ans, et des touffes
de carex ou d’absinthe peut-être davantage encore.
Au point de-'Vue physiologique nous avons fait des constatations
dont l’importance n’échappera pas à ceux qui seraient
tentés de suivre nos traces en profitant de nos expériences.
Le régime des conserves combiné avec la basse température
produit sur l’organisme un affaiblissement progressif,