remis de sa grave maladie 1), et une escouade de porteurs
arrivés le jour même de Monjong, apportant la bonne nouvelle
que l’épidémie de choléra est en décroissance à Asko-
ley et que la route du Skoro-La est restée ouverte.
C’est avec plaisir que nous sommes de nouveau réunis
avec tout le personnel que nous n’avions pu garder là-haut.
Mais, pour des raisons particulières, Pfannl et Wessely nous
quittent définitivement ; nous ne les retrouverons qu’à Sri-
nagar.
Nous restons deux jours à Rdokass à organiser à nouveau
notre transport. Nous avons des coolies en suffisance et,
chose plus précieuse, de la viande, des oeufs et du pain frais.
Instantanément, tous nos déboires sont oubliés, tous nos
malaises disparaissent ; seul Crowley continue à avoir de
fréquents accès de malaria et ne me laisse guère de répit.
Rdokass n’est plus reconnaissable : les feuilles aux arbres
et une herbe épaisse font ressembler cette oasis à quelque
pâturage de nos Alpes ; nos chèvres ont tellement engraissé
qu’elles ne donnent plus de lait ! Heureuses chèvres ; de leur
vie elles n’ont eu une telle aubaine, et elles ne doivent guère
se réjouir à la perspective d’aller recommencer à brouter les
tiges d’absinthe et la maigre herbe d’Askoley. Car elles auront
la vie sauve, malgré le Koran qui veut que, lorsque le
choléra éclate dans une localité, tous les animaux domestiques
soient sacrifiés : en gardant à Rdokass ces ¡bestioles, nous
avons ainsi rendu un fier service à leurs propriétaires !
Le 14, au réveil, tout est blanc de neige autour de nous ;
les préparatifs de départ n’en avancent que plus vite, nos
hommes ayant hâte de reprendre la marche.
Quelques repas de nourriture fraîche nous ont tout ragaillardis,
et c’est à une belle allure que nous passons Rho-
*) Cette attaque d’oedème aigu était une récidive ; à deux reprises
déjà, en Europe, il en avait été atteint, dans dés conditions quelque peu
analogues.
butse: Je fus cependant retardé considérablement à cet endroit,
par un porteur qui s ’était écorché une jambe dans la
moraine, à la suite d’un faux pas ; un pansement lui rendit
tout son courage, et il ne fut plus question de lui ; c’est le
seul accident que nous ayons eu de tout le voyage !
En longeant les lacs de Liligo, nous les trouvons réunis
en un seul, tant l’eau est élevée : ce qui nous oblige à un
assez grand détour sur le glacier ; en outre, la rivière qui
s’en échappe est tellement enflée que nous ne pouvons plus
songer à la passer à gué ; force nous est de chercher les
ponts naturels que lui forme le glacier.
(194.) Lacs de Liligo, près de leur étiage.
Un peu avant d’arriver à l’étape, au lieu de cheminer
entre le glacier et la montagne, nous sommes obligés de
varapper dans les rochers abrupts, tandis qu’une partie des
coolies regagne le glacier en perdant un temps considérable.
Nous passons une dernière nuit sous les blocs surplombants
du camp de Liligo ; et le lendemain nous quittons
définitivement la glace, soixante-sept jours, soit plus de neuf
semaines après y avoir mis le pied. A défaut de mieux, c’est
un record qui ne sera pas battu de longtemps : petite compensation
dont nous avons lieu de nous enorgueillir un peu.