même temps plus abrité, à l’entrée de la brèche au pied de
l’arête nord-est du Chogori.
Ce transfert sera long, vu que nous n’avons plus qu’un
nombre restreint de coolies. Pfannl et Wessely monteront
les premiers avec leur tente et un nombre suffisant de kiltas
pour pouvoir attendre éventuellement plusieurs jours qu’une
nouvelle escouade les ait rejoints. Précaution heureuse : la
semaine qui suit ce premier départ est si déplorable qu il
faut une forte dose d’énergie pour se décider à quitter un
bon lit chaud avec la perspective d’aller se geler dans la
tente de cuisine ; à plus forte raison, personne né songe à
aller rejoindre les Autrichiens, qui doivent pourtant trouver
le temps un peu long et la solitude ennuyeuse. Il -serait bien
inutile de s'exposer aux bourrasques et aux tourbillons de
neige, sans autre perspective que d’aller grelotter à 6000
mètres un peu plus qu’à 5700.
Semaine terrible ; celle qui nous a laissé les souvenirs les
plus pénibles de tout notre séjour sur le glacier.
Bien que le fond des tentes fut imperméable, et qu’entre
le glacier et nous fussent interposées plusieurs couches isolantes
— matelas de liège, couvertures, sac d’édredon, etc.
— nous ne pouvons empêcher la neige et plus tard la glace
de fondre sous nos lits, grâce à la chaleur qui se dégage de
nos corps ; si bien que, au bout de trois ou quatre jours, se
formait une cuvette où s’amassait l’eau en fusion. Le fond
de la tente et même la grosse toile imperméable de nos valises
se distendaient, laissant suinter à travers les mailles du
tissu un liquide brunâtre d’un voisinage bien désagréable.
Au matin, le fond de la tente était recouvert d’une couche
plus ou moins épaisse de glace, qu’on enlevait à la pelle ;
qu’un rayon de soleil survînt auparavant, et cette glace se
retransformait en eau, qu’on vidait à la façon des pêcheurs
au fond de leurs barques mal étanches.
Nous remédiions en partie à ce fâcheux état de choses en
découpant dans les kiltas des bandes d’osier recouvertes de
cuir, qu’on intercalait entre le fond de la tente et la valise, et
qui, pour un jour ou deux, surélevaient celle-ci ; mais l’osier
finissait par se ramollir aussi, en même temps que la fosse
glacée se creusait davantage ; il ne restait plus alors qu’à déplacer
la tente dans un endroit plus hospitalier.
Cette eau de fonte se formait également dans les kiltas
exposées à tous les vents et à la neige, détériorant tout ce
qui n’était pas enfermé hermétiquement.
Bien que la chose fût plus ou moins prévue, elle n’en
était pas moins grave ; par exemple, nous étions, à chaque
éclaircie, obligés
d’étendre au soleil
le charbon destiné
à nos chaufferettes, I
qu’un emballage de h
chaux vive ne pro- «
tégeait pas suffi- |
samment ; au bout M
de deux ou trois 1
passages à l’humi- H
dité, il ne brûlait |
plus, et n’était bon Ë
qu’à jeter ; le pain H
d.6S C00Ü6S moi- Emplacement d’une tente, au bout de cinq jours.
sissait et devenait rapidement immangeable.
Ces conditions antihygiéniques avaient naturellement
leur contre-coup sur la santé générale ; mais ce fut plus tard
qu’elles apparurent avec tout leur cortège de dangers.
Le 8 juillet, une accalmie s ’étant produite, Crowley et
moi partons à 6 */a h., pour tenter à notre tour de gagner le
camp XI avec quelques kiltas, la tente et nos valises amarrées
sur un traîneau de skys, quoique ce mode de transport
n’ait pas l’heur de plaire à nos coolies : ils préféreraient emporter
séparément chaque charge au lieu de la traîner péniblement
sur un glacier incliné.