somme que ses parents adoptifs affirment être plus que suffisante
pour son entretien pendant une année tout entière !
Nous allons maintenant, en cinq étapes, toutes de plus de
30 km,, descendre l’Indus jusqu’à Skardu, en en suivant tous
les méandres. Le fleuve précipite ses eaux impétueuses entre
de formidables parois de granit qui forment une succession
de gorges; la vallée s’élargit un peu au confluent des rivières
latérales. Six heures de marche nous amènent à Karman;/
ou Khartaksho.
Le rajah vient à cheval à notre rencontre, accompagné
d’une suite imposante ; il commence par nous saluer, après
être descendu de sa monture, en nous tendant de sa main
droite une poignée de roupies ; on pose sa main sur la
sienne, sans serrer, et en se gardant bien de toucher aux
roupies; puis, de sa main gauche, il emprisonne votre
droite et la tient ainsi plus ou moins longtemps ; après quoi,
il se livre à quelques génuflexions accompagnées de saluts,
genre militaire, le coude droit reposant sur la paume de la
main gauche, à la hauteur de l’ombilic, la paume de la main
droite tournée contre la figure ;. les doigts serrés esquissent
quelques saluts en frappant le front à plusieurs reprises.
Avec les Européens, ils se bornent à cela ; mais entre
eux la cérémonie est encore compliquée d’embrassades r é pétées,
du simulacre de se baiser mutuellement les pieds.,
pour terminer par un embrassement prolongé qui peut durer
dix, quinze secondes ou même davantage, si on ne s’est pas
vu depuis longtemps. Après quoi le rajah et sa suite enlèvent
leurs chaussures et prennent place, les jambes croisées à la
turque, sur une couverture ou un châle.
Ils apportent en général d’immenses chaudrons de thé,
tantôt sucré, infusé avec de la canelle et d’autres épices indigènes,
tantôt salé et mélangé de lait aigri les naturels semblent
avoir une prédilection marquée pour cette seconde
combinaison, qui nous paraît d’abord une drogue infecte, et
à laquelle nous avons peine à nous faire.
On nous offre en outre des plateaux chargés d’abricots
secs, de noyaux, de pâtisseries au miel, assez lourdes et quelque
peu indigestes, mais les bienvenues tout de même après
une journée fatigante. On ébauche quelques rudiments de
conversation, consistant en formules de politesse et en renseignements
sur l’échange des coolies.
Le rajah de Karmang et son fils souffrent de conjoncti-
(70.) Pont de cordes sur l ’Indüs à Karmang-.
vites graves ; mais ils refusent énergiquement tout soulagement;
nous leur offrons des lunettes fumées; mais à peine
en ont-ils appris l’usage, qu’ils les enlèvent et les remettent
à un personnage de leur suite.
Le village de Karmang est sur la rive droite de l’Indus,
reliée à la nôtre par un pont de cordes, le premier que nous
voyons de près. C’est bien une dés choses les plus curieuses
que nous ayons rencontrées : ces djhoula sont formés d’un