époque où l’emplacement de Leb était encore recouvert par
des centaines de mètres de glace, et où le col du Karakorum
ne servait certainement pas au passage des caravanes de
Thibétains.
Tout le paysage baigne dans une atmosphère assombrie,
provenant en bonne partie de la couleur des roches érup-
tives qui forment l’ossature du Karakorum. Le nom lui-
même de la chaîne indique bien que cette teinte particulière
est générale et ne s’applique
pas seulement à une région
restreinte : « Karakorum »
en effet veut dire « pierre
noire » et cette coloration
(67.) L’Indus entre Gidiaxdo et Bagicha.
se retrouve dans la majeure
partie des gorges que traverse
l’Indus jusqu’à Skar-
du, où le fleuve roule, dans
une changeante majesté, ;(68° Ancien oh" ° rt * “ ng.
ses eaux brunâtres entre de formidables murailles, et se
précipite dans un mugissement assourdissant.
Par endroits, le sentier, incapable de franchir de flanc
les parois à pic, remonte à 200 ou 300 mètres pour redescendre
bientôt ; ailleurs, il court en corniche à peu de distance
du fleuve, en escarpements où la route est entrecoupée
d ’escaliers que les chevaux montent ou descendent sans que
leurs cavaliers mettent toujours pied à terre.
Avant d’arriver à Tarkutta, on remonte une falaise de
sable parsemée d’efflorescences salines et coupée de lits de
torrents desséchés où l’on n’avance que lentement, le sable
rendant la marche très fatigante. Mais à 10 V4 h. on arrive au
village, oasis où l'on goûte enfin un repos et une tranquillité
qu’on ne s’attendait pas à trouver si près du fleuve ; la vallée
s’élargit un peu, et tout le fond en est occupé par un sable
fin parsemé de petits lacs bleus d’une transparence à laquelle
nos yeux ne sont plus accoutumés depuis longtemps ; la température
de l’eau est si agréable, que nous restons près
d’une heure à nous y plonger et replonger avec délices, faisant
provision de bien-être pour les jours prochains.
En effet, à partir de Tarkutta, les étapes vont devenir de
plus en plus longues, et nos porteurs, afin d’abréger un
peu celle de demain, repartent déjà dans la soirée pour le
village suivant ; avant le coucher du soleil, on les voit comme
des fourmis remonter une grande moraine de sable, où leurs
vêtements sombres se détachent vigoureusement sur le fond
plus clair du sentier.
Durant toute la soirée, nous avons en visite un petit
indigène absolument nu et bronzé qui, d’un oeil intrigué, suit,
muet et accroupi sur ses talons, les apprêts du dîner ; voyant
qu’on s’intéresse à lui, il disparaît un moment, puis revient
avec un certificat attestant que ses parents sont morts et
qu’il est à la charge de la comm
Il est vrai que
cette charge ne doit
pas être considérable,
car il trouve
à se nourrir un peu
partout et ses vêtements,
s’ils sont les
mêmes le dimanche
que la semaine,
n’exigent pas grands
raccommodages !
Nous le dotons de
2 roupies (3 fr. 40),