Avec le Mitre Peak, c’est le Gusherbrum qui occupe le
devant de la scène ; sa masse énorme, toute sillonnée de
couloirs effrayants, aux arêtes symétriques descendant à
plus de 50 degrés d’un seul trait jusqu’au glacier, forme au
fond du cirque une muraille inaccessible, que continue au
nord le Broad Peak, dans des proportions plus fan tastiques.
Vus à contre-jour dans cette belle lumière du matin, alors
que le soleil n’éclaire que leurs principales arêtes, laissant
(r56.) Trône d’Or et massif au S. du Gusherbrum, vue de Doxam.
dans l’ombre les contreforts et les pentes inférieures, ces
sommets produisent une impression de grandeur que nous
n’avons pas encore éprouvée à un degré si intense. Plus au
sud, le Hidden Peak, un peu masqué par les contreforts méridionaux
du Gusherbrum, puis le célèbre Trône d'Or, de
Conway, complètent ce panorama unique au monde et qui
suffirait à récompenser de quatre mois de voyage.
Mais nous ne sommes pas encore au bout des émerveillements
de la journée.
Pendant une heure encore, nous remontons le Baltoro,
qui s’est enfin transformé en un glacier à peu près présentable
: les abominables moraines ont fait place à une glace à
peine parsemée de blocs incrustés profondément, sur lesquels
le pied se pose avec sécurité.
Tout à coup, à 10 heures, au tournant du Baltoro, à l’endroit
où ses moraines
s’infléchissent au nord
en une courbe assez
prononcée et visible de
loin, notre Chogori apparaît
au fond de la vallée
occupée par le glacier
de Godwin-Austen,
resplendissant et lumi-
(i57;) Glacier de Godwin-Austen,
; vu du Camp VIII au S.
neux dans l’air limpide
du matin. Vite photographions,
puis dessinons,
ne fût-ce que pour en
envoyer au plus vite en
Europe une image quelque
imparfaite qu’elle
cnit Maie dpS bandes (i®8-) Sommet sans nom, SOU. mais ues mîmes de Baltoro et de Gào dlw’ainng_Aleu dsteesn g.laciers
de nuages se mettent à
vagabonder follement entre lui et moi, masquant tantôt une
arête, tantôt un couloir, pour disparaître comme elles sont
apparues, puis revenir plus épaisses l’instant d’après. A
ce jeu de cache-cache, mon crayon saute d’une arête au
sommet, d’un couloir à un glacier, pour reprendre l’esquisse
ébauchée, compléter les blancs, ou corriger un
profil trop rapidement crayonné, et terminer enfin au bout