de cascades, dont quelques-unes ont peut-être 200 mètres
de chute, tombent perpendiculairement de chaque côté de
la rivière.
Les pentes arides que nous gravissons n’ont ni eau ni
arbres ; seules quelques touffes d’absinthe trouvent encore
à végéter au flanc sabloneux de la montagne, donnant au
paysage une teinte glauque qui fait regretter les beaux gazons
si verts, tapis de velours jeté sur nos Alpes, entre les forêts
et les neiges éternelles : ici, aucune transition entre le fond
plus ou moins cultivé de la vallée et les versants dénudés.
A un coude de la vallée, le sentier redescend rapidement
les 500 mètres péniblement gravis, pour finir dans une! manière
de gorge très étroite, taillée dans un terrain d’alluvions ;
à distance on ne voit pas bien comment un chemin a pu y
être tracé ; quelques murs plus ou moins bien entretenus en
soutiennent les nombreux lacets, qui finissent par aller se
perdre dans un méchant pierrier.
Ce n’est qu’un peu avant d’arriver à Gomboro que, pour la
première fois peut-être de tout le voyage, nous traversons,
en croisant une vallée latérale, un petit pâturage assez semblable
aux nôtres ; des zébus et quelques yaks, auxquels il
ne manque que des clochettes, broutent une herbe verte et
drue au bord d’un « bisse » ; un petit pont rustique jeté sans
garde-fou au-dessus du torrent qui bouillonne, quelques
gamins en haillons qui vous regardent passer d’un air interloqué
: tout cela forme un tableau qui a un air de déjà vu,
dans les Alpes ou ailleurs. — Mais la vision en est brève.
Et, comme contraste, peu après Gomboro, nous rencontrons
le lendemain matin deux genres d’obstaclès qui ralentissent
singulièrement la marche d’une caravane aussi nombreuse
que la nôtre : les torrents de boue et les ponts de
cordes. Ces derniers heureusement, remis à neuf et par conséquent
bien tendus, ne nous font perdre du temps qu’en
raison de l’obligation de ne passer qu’un petit nombre à la
fois: la traversée d’un pont qui exige de 1 à 2 minutes,
prendra deux à trois heures au moins pour 190 individus.
Mais les torrents de boue sont un obstacle autrement sérieux
; suivant les conditions du moment, ils peuvent arrêter
plusieurs journées une troupe même beaucoup moins nombreuse
: il y a dix ans, Eckenstein attendit' en cet endroit
plus d’une demi-journée que sa petite escouade de 5 hommes
eût traversé.
Ces torrents de boue, plus ou moins intermittents, sont
dus à diverses causes qui n’ont pas toutes été étudiées
également. Con-
way donne l’explication
suivante de
leur origine : quelque
lac de glacier
ayant rompu son
barrage, les eaux
descendent la
montagne, laissant
après elles un
fleuve de boue,
noir et épais, coulant
assez rapidement
; de temps à
(89.) Premier torrent de boue, entre Gomboro et Pakora.
autre une vague énorme, mélange de boue et de rochers, se
précipite avec furie, emportant tout sur son passage ; puis
un bloc plus gros que les autres barre la route, la boue s’accumule
derrière lui jusqu’à ce qu’elle parvienne à le balayer.
Cette explication me paraît pécher par excès de simplicité.
Qu’un lac glaciaire- crève et se répande en causant
plus ou moins de dégâts, cela se voit ; . mais, tandis que
dans la vallée de Bagnes ou à St-Gervais les éléments mettent
beaucoup de temps à se renouveler, au point qu’une
génération ne voit guère deux fois ce phénomène, ici, au