La première étape, jusqu'à Korofon, n’est que de quatre
heures.
En quittant Askoley, nous passons auprès d’une petite
forteresse, simple tour quadrangulaire, moitié en bois, moitié
en pierre, qui a servi en dernier lieu à repousser une invasion
de Thibétains, au milieu du siècle passé ; dès lors,
elle n’est plus entretenue et n’a plus même sa raison d’être;
la région au nord d’Askoley est pacifiée ; la population désarmée
et soumise ne demande qu’à vivre en bonne intelligence
avec ses voisins ; les Thibétains pillards ont été refoulés
plus au nord et
ne passeront plus
le col de Mustagh,
au risque de laisser
leurs os dans les
crevasses du Bal-
toro.
On suit au début
le bord d,’une haute
falaise, aux champs
abandonnés et incultes,
faute d’eau
probablement ; la
marche est à peu
(io3.) Skoro-la.
près horizontale, de sorte qu’on se rapproche du fond de
la vallée jusqu’à un éperon rocheux au pied duquel le
Braldoh, furieux, forme un obstacle infranchissable ; on
monte rapidement dans ces roches, pour redescendre tôt
après dans une petite plaine au bout de laquelle on aperçoit
la masse imposante de l’extrémité inférieure du glacier de
Biafo. La rivière qui s’en échappe ne se jette pas directement
dans le Braldoh ; elle le suit parallèlement pendant une
heure environ, ce qui oblige à gagner le dos du glacier et à
s’en servir comme d’un pont naturel.
D’après les indications de la carte de Conway, nous nous
escrimons à traverser ce glacier, des plus crevassé, tandis
que les coolies, plus avisés, s’empressent de regagner la
moraine frontale, très aplatie et parsemée de.quelques lacs
grisâtres. On finit quand même par arriver tous à Korofon,
mais à la débandade, entre 1 et 3 heures.
Bien que la marche n’ait pas été particulièrement longue,
nous sommes tous assez fatigués; mais, après la tasse de
thé traditionnelle que nos cuisiniers ont pris l’habitude de
préparer avant toute autre chose, nous nous trouvons aussi
dispos qu’au départ ; si bien que, pour employer le reste de
l’après-midi, nous
retournons, les Autrichiens
et moi, explorer
les abords du
glacier et faire un
peu de géologie.
Je tenais en outre
à faire quelques observations
sur le
grain du glacier.
C’est un problème
très intéressant à résoudre,
que de savoir
comment la
(io40 Passage, près d’Askoley.
glace se comporte à
l’extrémité de si longs glaciers, et d’étudier les modifications
qu’un trajet très prolongé apporte dans sa structure intime.
Le glacier de Biafo est en effet un des plus longs du monde ;
prolongé au. Nord-Ouest par celui de Iiispar, sur l’autre versant,
il forme la plus longue étendue de glace connue en dehors
des régions polaires : 130 milles (plus de 200kilomètres !)
La transformation que subit la glace dans ces conditions doit
être encore plus accentuée qu’à l’extrémité de nos plus longs
glaciers des Alpès (Aletsch, Argentières). Le moyen usité
pour s’en convaincre est aussi simple qu’ingénieux : on dé-