Nous pûmes jouir, ce soir-là, d’un coucher de soleil magnifique,
puis, dans la nuit, du phénomène de la lumière
zodiacale très intense et que je vis pour la première fois si
distinctement.
Pour gagner la vallée du Jehlum, on commence par descendre
de Murree, pendant une étape, jusqu’à Kohala, par
une belle route peu inclinée que les « tongas » peuvent parcourir
au trot dans les deux sens. Mais les montagnes nous
entourent de toute part ; au nord .et à l’est, les premiers
massifs neigeux du Cachemire dépassent les avant-monts
dans lesquels nous venons de nous engager; leurs glaciers
et champs de neige
étincellent au soleil
et se détachen t
vigoureusement
sur un ciel sans
nuages.
Quoique 1 nous
ne soyons qu’au
premier printemps,
beaucoup
d’arbustes et d’arbres
ont fleurs et
feuilles et cette
(i3.) Kohaïa. verdure, jointe à
celle plus sombre
des conifères, jette au fond des vallées latérales que nous
traversons, une note de gaieté que la plaine de Rawal-Pindi
n’avait pu nous donner. Aussi gens et bêtes recherchent
l’ombre ; car, bien que nous soyons à 1500 m., il fait plus
chaud qu’au fond de la vallée du Rhône à pareille époque.
En Orient, la première qualité à acquérir est la patience;
tout est réglé sur le pas des buffles, et les 195 milles (320 km.
environ) qui séparent Rawal-Pindi de Srinagar sont franchis
en 15 jours par ces paisibles et placides animaux : c’est à
peu près à ce régime que nous devons nous accommoder.
En revanche, la malle postale, réglée sur le pas de l’Occident,
parcourt cette distance en une vingtaine d’heures, car
tous les 5 ou 6 milles, un relai de chevaux frais lui permet
de faire tout ce trajet presque constamment au galop. Mais
aussi quel voyage! Cahoté, bousculé, risquant cent fois de
descendre dans la rivière qui coule à 50 ou 100 mètres plus
bas, ou de s’écraser contre les rochers, le voyageur arrive au
terme du voyage tout étonné de se trouver encore en vie,
moulu, courbaturé, hébété, incapable de penser; il ne demande
qu’à dormir 24 heures sans voir choses ni gens.
J’eus, pour ma part, l’avantage de pratiquer un système
intermédiaire. A la
fin de l’étape qui
nous conduisit à
Kohala, Wessely
eut une attaque de
pérityplilite; jeres-
tai avec lui pour
le soigner et, une
fois qu’il fut guéri,
rattrapai et même
devançai le reste
de la caravane en
« tonga ■ © ' véhicule (,i,q,.) « T... onga » au ma,i ..
un peu plus confortable
que l’ekka. Tandis que celui-ci a un seul cheval qui
fait tout le voyage conduit par le même cocher, la tonga est
attelée de deux chevaux qui, grâce aux relais, sont toujours
à peu près frais ; en outre, la tonga est sur ressorts et relativement
bien abritée des rayons du soleil ou de la pluie.
Avec l’ekka, ce trajet de Rawal-Pindi à Srinagar peut se faire
en six ou sept jours ; avec une tonga, en deux ou trois. C’est
d’ailleurs la tonga qu’emploie le service postal subventionné.