Peu avant d’arriver, on traverse un petit plateau occupé
par un lac encore gelé ; confiant dans la solidité de la glace,
je m’aventure un peu trop, lorsque, tout à coup, je fais
un plongeon, intempestif à cette heure matinale; mais,
chose curieuse, en moins d’une heure toute trace d’humidité
a complètement disparu, grâce à l’extrême sécheresse
de l’air.
Cette particularité de l’atmosphère est bien connue et
mise à profit d’une façon curieuse; tant qu’on est sur le versant
du Cachemire, la ligne télégraphique est munie d’isolateurs
; mais, à partir du Zoji-la, on les supprime complètement
: le fil est accroché à n’importe quoi, un tronc mort,
une branche d’arbre, souvent même il est posé sur la neige
ou recouvert par elle ; ailleurs, il franchit d’un bond de 300
ou 400 mètres la rivière ou une vallée latérale, ce qui ne
pourrait avoir lieu Si le givre venait à s’y déposer en couches
trop épaisses. Il est vrai que nous nous rapprochons
sensiblement des hauts plateaux de l’Asie centrale, où il ne
pleut pour ainsi dire jamais, éloignés qu’ils sont de plus de
1500 kilomètres de toute mer; quand souffle la bise, d’ailleurs
identique à la nôtre, elle nous amène un ciel implacablement
bleu ; on y verrait même volontiers apparaître quelques
nuages, en particulier à l’heure de midi, quand le
sentier se déroule dans les masses granitiques dont sont
exclusivement formées toutes ces montagnes..
Décrire les splendeurs qu’il nous fut donné d’admirer
dans cette belle journée est une tâche dont je préfère me
tirer par quelques photographies.
Il se peut que le Zoji-la, dans les chauds mois de l’été, ou
en automne, une fois débarrassé de ses neiges temporaires,
soit d’un effet moins grandiose, que ses couloirs d’avalanches
et ses cônes de débris soient moins pittoresques qu’au
premier printemps; mais, à cette époque de l’année, dominé
de toutes parts de sommets voisins de 6000 mètres, encore
couverts de neige et poudrés à frimas, et de formidables gla