Arrivés à Shigar à 11 3/4 h., nous commentons par aller
prendre un bain dans la rivière. Après quoi les rajahs nous
font une réception grandiose, en observant toujours le même
cérémonial ; une particularité qu’il ne faut pas négliger
quand on mange en leur compagnie, est de ne jamais toucher
à la nourriture avec la main gauche ; les premières fois,
il nous arrivait souvent de prendre notre tasse de thé dans
la droite et une pâtisserie dans la gauche ; Eckenstein,
mieux fait à ces usages, nous jetait un coup d’oeil significatif,
que nous nous empressions
d’interpréter, tout
en risquantde renverser
notre tasse ou de lâcher
la brioche.
Nous a p p re n o n s
q u’un missionnaire suédois
est installé dans la
contrée; Eckenstein et
Pfannl vont lui faire une
visite, qu’il nous rend
(83.) une meiic à sSSgBv dans l'après-midi ; nous
l ’invitons à partager
notre repas ; puis Crowley l’accapare, et se lance dans de
vastes dissertations philosophico-théologiques, où le boud-
hisme, l’islamisme et le christianisme finissent par faire une
salade plutôt indigeste.
Le missionnaire nous avoue qu’il est à Shigar depuis 7 ans,
que son prédécesseur y est resté un nombre égal d’années,
et qu’ils n’ont pas encore réussi à faire un seul prosélyte !
J’eus passablement de malades à examiner ce jour-là, et
non parmi les moins influents de la contrée ; il en vint même
deSkardu qui, n’ayant pu se faire soigner le matin, alors
que nos kiltàs étaient déjà parties, ne voulaient pas laisser
échapper une occasion, peut-être unique dans leur vie, de
passer par les mains d’un médecin européen !
Nous quittons Shigar le lendemain à G heures, enchantés
de l'affabilité de nos rajahs.
Les étapes sui vantes se terminant entre 9 et 10 heures,
nous pourrions facilement les doubler ; mais nous ne
sommes pas pressés, étant en avance d’au moins une
semaine sur nos prévisions, car nous avions compté être
arrêtés plus longtemps dans la vallée de l’Indus, et surtout à
Skardu. Nous en profitons pour remonter la vallée aussi
lentement que possible, ce qui nous procurera un acclimatement
plus graduel
et plus efficace, et le
plaisir de la chasse :
le gibier est si abondant
que, sans s’écarter
beaucoup du
chemin, et sans se
relâcher trop de la
consigne stricte observée
jusqu’ici, on
peut facilement
amener un peu de
variété dans l’ordinaire
de la cuisine :
(84.) Cimetière musulman près d'Alchonï
Knowles et Crowley tour à tour vont faire quelques pas aux
abords du camp, et rapportent chacun plusieurs ramiers
qui sont les bienvenus à côté du sempiternel mouton. Nos
cuisiniers dénichent en outre des pommes de terre nouvelles,
de sorte que, pendant plusieurs jours, nous retrouvons
quelqu’analogie avec nos repas d’Europe ; il n’y
manque qu’une bonne bouteille de Neuchâtel. 11 y aurait
bien le champagne ; mais il fait partie de la caisse de pharmacie,
et pour le moment personne n’a le droit d’y toucher;
on en est quitte pour se rabattre sur le thé, et on ne s’en
fait pas faute.
A Alchori, le ivazir vient nous rendre ses hommages et