qu’elle se refroidit, au point de faire croire à une source différente.
« Si enfin on se représente la situation de ce bijou dans
un cadre grandiose de hautes montagnes, toutes de 5 à 6000
mètres, dominées par le Mango-Gusor, on le tiendra certainement
pour destiné, dans un avenir plus ou moins éloigné,
à devenir un lieu de cure thermale, dès qu’un chemin de ter
remontera la vallée du Shigar, et quand Askoley sera devenu
le Zermatt ou l’Interlaken du Haut-Cachemire !
« Photographié les environs du lac et, avec Knowles, terminé
lentement l’étape,
montant et
descendant beaucoup
pour passer
deux ou trois nalas
très profondes, à
parois à pic, où se
faufile tant bien
que mal le sentier.
Traversé encore
deux villages, oasis
de..verdure.sur; un
. grand cône ¡de
déjection dénudé ;
dans le dernier, des malades m’attendent sur le seuil de
leurs portes ; on leur donne rendez-vous à Askoley, où nous
arrivons un quart d’heure après, vers midi, avec les premières
gouttes de pluie.
« Les coolies ont du retard, grâce au pont de cordes.
« L’après-midi, Crowley va tirer des ramiers; peu après,
la pluie s ’établit et nous restons sous nos tentes.
« De Skardu à Askoley, pour continuer la bonne chance
dont nous avons été favorisés jusqu’à présent, le temps est
resté au grand beau; maintenant, il paraît absolument gâté,
et c’est sous une bonne tente Whymper que je rédige ces
notes, emballé dans une moelleuse couverture de Cachemire,
les pieds au chaud dans mon sac d’édredon, le dos appuyé
à mon sac de montagne, et, au cou, mon bon grand passe-
montagne jurassien que m’envient tous mes camarades. Le
bruit des avalanches qui tombent d’un glacier, de l’autre
côté de la vallée, unit de temps à autre son concert à celui
de la rivière qui coule à nos pieds; et de la pluie qui tombe
monotone sur les tentes, tandis que la neige fraîche descend
à quelque cent mètres au-dessus de nous.
« Nous venons d’avoir un conseil, dans lequel nous avons
décidé de rester huit jours à Askoley. Nous sommes en
avance d’une quinzaine sur notre programme, et ne voulons
partir d’ici que dans les meilleures conditions possibles,
après avoir joui toute une semaine d’une bonne et abondante
nourriture et d’un repos à peu près absolu, tout en nous
acclimatant à l’altitude : en effet, pendant les sept jours qu’a
duré notre voyage de Skardu ici (3200 mètres), nous n’avons
eu aucune journée aussi fatigante que dans le trajet de Sri-
nagar à Skardu, mais nous sommes montés suffisamment
pour ressentir déjà les premiers effets du manque d’accoutumance
à la hauteur...., »
Voilà donc un échantillon de mes notes de voyage, prises
au crayon au jour le jour, et soulignées de temps à autre
d’une photographie.
Notre premier soin est d’engager cinquante hommes, qui
porteront nos bagages jusqu’au pied du glacier et reviendront
à Askoley chercher le reste ; après quoi, nous choisirons
ceux qui auront effectué le trajet le plus facilement et les
engagerons pour un mois. Plusieurs sont déjà inscrits de
plus bas dans la vallée, après avoir manifesté le désir de
nous accompagner; nous préférons de beaucoup ces engagements
volontaires pour un tel voyage.
Mais nous devons songer maintenant à nourrir tout ce