Whymper (voir aux renseignements pratiques) que nous
puissions leur offrir pour le moment, plus une petite de
Mummery, en soie, très basse et sans fond; ceux qui couchent
sous cette dernière découpent dans des kiltas vides
et inutilisables dès bandes qui leur serviront de plancher ;
ils s’y accroupissent, enveloppés seulement de leur couverture,
et se réchauffent en se serrant les uns contre les autres,
(172 ) Arête N. E. du Chogori ; vue du Camp X (au seconde plan,
avala nche de neige poudreuse.)
tout en faisant brûler dans leurs « kangris » du charbon en
poudre de tilleul comprimé qu’ils apprécient fort.
C’est peu de chose pourtant ; car pendant les nuits qui
suivent les deux jours de tempête, la bise souffle avec une
telle violence, que nous ne pouvons presque pas dormir;
elle siffle dans les cordages de la tente, et s’y engouffre si
furieusement que nous nous attendons à chaque instant à la
voir s’abattre sur nous ; heureusement les piquets fichés
dans la glace et renforcés par les kiltas tiennent bon ; et nous
nous retrouvons au matin sensiblement dans le même état,
à cette différence près toutefois que deux ou trois centimètres
de neige nous recouvrent de la tête aux pieds.
Des avalanches descendent, jour et nuit avec la même
fréquence, si considérables qu’elles semblent tomber à nos
côtés.
Sur la pente du Chogori, la masse de neige et de glace
qui se précipite dans certains couloirs et rebondit sur le glacier
après une chute de 1,000 mètres est souvent si formidable,
que toute la vallée en est obscurcie comme par le plus
épais brouillard ; le déplacement de l’air fait remonter les
débris de glace pulvérisée à plusieurs centaines de mètres
contre les flancs du Broad Peak, et se fait sentir jusqu’à
nous sous forme d’un vent violent, chargé d’aiguilles qui
obscurcissent l’atmosphère en un clin d’oeil.
Mais, chose curieuse, la majeure partie de l’avalanche
n’arrive pas jusqu’au fond de la vallée ; la sécheresse de l’air
produit un phénomène qui se rencontre parfois dans nos
Alpes, mais jamais dans des proportions aussi fantastiques.
Chacun connaît les banderoles qui, par les belles journées
ensoleillées voltigent sur les arêtes ou les sommets neigeux,
emportées par le vent ; la neige en farine et les aiguilles
de glace qui les forment disparaissent dans l’atmosphère
limpide après un parcours souvent très court, en subissant
la sublimation dans l’air sec des hauteurs. C’est ce même
passage sans transition de l’état solide à l’état gazeux, qui
dissipe dans l’air la partie la plus ténue des avalanches
himalayennes. Ici, chaque fois que règne le vent du nord,
d’une extraordinaire sécheresse, cette sublimation agit avec
^ une intensité toute particulière. De cette façon, l’eau de
fusion ne descendant pas dans les couches inférieures de la
neige pour la tasser et la durcir ensuite par le gel, celle-ci
reste dans l’état où elle est tombée, « en farine«, et cela tant
qu’un peu d’humidité n’est pas apportée par les vents
d’ouest.