Le rajah du village, chef de la contrée, vient nous rendre
visite et se mettre à notre disposition pour l’échange des
coolies. Il est très âgé et souffre d’un point pleurétique; on
lui promet quelques remèdes, et on le gratifie de quelques
mouchoirs de couleur, qui ont toujours le don d’amener un
sourire de béatitude sur ces masques en général impassibles
; mais la foule qui nous entoure pousse des exclamations
d’envie à la vue d’une telle générosité !
Il n’y a que 40 poneys disponibles pour tous nos bagages,
de sorte qu’il nous faut encore une trentaine d’hommes. ,
La journée du
8 mai est restée
dans notre souvenir
comme l’une
des plus fatigantes
de tout le voyage.
Elle est estimée
officiellement à 20
milles (33 km.>;
mais, en comptant
les détours d ’un
sentier qui suit
tous les méandres
(63.) Le Dras à Bielarg-o. de la l’ivière, OU
franchit les parois
à pic en remontant souvent à 200 mètres, pour redescendre
tôt après dans le sable ou le long de parois granitiques surchauffées
et éblouissantes, on arrive à une somme de kilomètres
bien supérieure, et surtout à un degré de fatigue
et de lassitude que nous avons rarement connu. Partis à 7 h.
de Hardas, nous n’arrivons que vers 3 h., n’en pouvant plus ;
le campement est établi tout au haut du village d’Olthingthang
à plus de 300 mètres au-dessus de la rivière ; nous nous
traînons péniblement, pour faire cette dernière partie de
l’étape, et, à l’arrivée, chacun est de mauvaise humeur.
Pour comble de malchance, au moment de congédier nos
coolies, le lambadar vient nous dire qu’il n’a pu réunir le
personnel nécessaire pour continuer le voyage. Allons-nous
être arrêtés par un aussi grave contre-temps ? Nous voyons
cependant autour de nous plus de 300 individus munis de
cordes, de couvertures, de tout ce qu’il faut enfin pour remplacer
les porteurs qui nous quittent. Qu’est-ce que cela signifie
?
J’étais en train, après un repos bien gagné, de distribuer
quelques médicaments, lorsque Eckenstein vient m’annoncer
qu’un vent de
révolte souffle
dans le village,
dont le chef est en
train de se livrer
sur nous à des
tentatives de chantage.
Je ferme
aussitôt mes boîtes,
et, à l'instant
même, plus de 200
individus se précipitent
dans l ’espace
réservé à nos (6¿¡.) a oithingthang.
bagages, chacun
voulant s’assurer d’une charge pour le lendemain matin ; en
même temps, le lambadar est fortement houspillé par la
foule qui a enfin compris que son chef se moque d’elle, et
que, en cas de conflit, elle a plus à perdre qu’à gagner !
Voyant ses subordonnés ne pas tenir compte de ses injonctions
et de ses excitations à la révolte, le lambadar
change alors de tactique; il devient obséquieux, feignant de
se rendre indispensable, d’encourager tel ou tel à l’obéissance,
s’immisçant dans les délibérations que nous sommes
en train d’avoir avec nos chicaris; Eckenstein, à bout de pa