située aux confins nord-ouest de l’empire des Indes, où l’IIima-
laya, le Karakorum et l’Hindu-Kush convergent en une sorte
de noeud, formant ainsi le véritable « L'oit du monde.», que l’on
place généralement plus au nord, sur les plateaux de Pamir.
Là sont réunis les plus hauts sommets du globe mesurés
exactement, dont le plus élevé, le Chogori (K2 des cartes actuelles)
atteint 8611 mètres; seul, le Gaurisanlcar, dans l’Himalaya
népalais, les surpasse tous de ses 8840 mètres : mais, tandis
qu’il trône isolé au milieu d’une petite cour de sommités bien
moins importantes que lui, le Chogori se trouve faire partie
d’une pléiade de géants dont plus d’une dizaine atteignent
et dépassent les 8000 mètres, et cela sur un espace de moins de
60 kilomètres carrés.
Le Gaurisanlcar, ou Everest, est inabordable, pour des raisons
d’ordre politique, le Népal étant encore à l’heure qu’il est
entièrement et sévèrement fermé aux Européens. Qui veut
s’attaquer au plus haut sommet abordable doit donc, à travers
le Cachemire et l’Himalaya, gagner le Baltistan et le Haut-Indus,
puis remonter la vallée de Shigar et le glacier de Baltoro, à
l’origine duquel se trouve le Chogori.
C’est dans ce but, au premier abord exclusivement sportif,
que s’étaient entendus MM. O. Eckenstein et A.-E. Crowieg,
alpinistes de grande valeur, rompus à la pratique de nos hautes
Alpes, et qu’un récent voyage aux sommets du Mexique avait
décidés à couronner leur carrière d’alpiniste par l’accomplissement
du rêve grandiose qui hante tant de grimpeurs : monter
au faîte du monde !
A ce petit noyau s’était joint M. G. Knowles, que sa grande
jeunesse et des raisons particulières avaient jusqu’alors tenu un
peu en dehors de la fréquentation assidue de la haute montagne,
mais qu’une éducation sportive poussée très avant à Cambridge,
préparait à surmonter vaillamment les difficultés de l’expédition
projetée.
La région à parcourir est fort peu connue. Les géographes
du bureau topographique de l’Inde, sous la direction des capitaines
Montgomerie et Godwin-Austen, avaient fait de 1862 à
1864 le relevé du territoire du Baltistan qui va jusqu’à la frontière
du Thibet.
Après eux, une seule expédition, sous les ordres de Conway,
avait parcouru ces contrées, en 1892, remonté le glacier de
Baltoro et tenté l’ascension du Trône d’Or, en s’élevant jusqu’au
Pic des Pionniers.
Dès lors, tandis que, dans les Andes du Chili, le guide suisse
Mattia Zurbriggen, accompagnant Fitz-Gérald, avait atteint en
1897 le sommet de l’Aconcagua à plus de 7300 mètres, et établi
un « record » qu’il détient encore, aucun Européen n’avait revu
le glacier de Baltoro, et personne n’avait cherché à monter plus
haut dans l’Himalaya.
Mais l’association, d’ailleurs absolument privée, dont nous
venons d’indiquer les membres, avait un très grand avantage :
l’un d’entre eux, Eckenstein, avait accompagné Conway jusqu’à
Askoley ; il était donc bien préparé pour entreprendre une
nouvelle expédition dans ces régions. Au reste, il y pensait
constamment ; c’était devenu même une obsession, lorsqu’il
finit par rencontrer et décider MM. Crowley et Knowles.
Une fois les préparatifs sur le point d’être terminés, ils crurent
bon de s’adjoindre deux alpinistes autrichiens, MM. Pfannl
et Wessely, très connus dans le monde clubistique par leurs
exploits dans les Alpes tyroliennes, suisses et françaises.
Enfin, au dernier moment, ils résolurent de s’adresser encore
à un médecin, animé comme eux du feu sacré de la montagne
et préparé, si possible, à une entreprise comme la leur. C’est à
ce moment que je reçus la carte du Dr K. Boeck, auquel j’exprime
ici ma profonde reconnaissance.