jours. Pendant ce temps, nous trions tout ce dont nous pouvons
nous passer. Les armes, fusils de chasse et revolvers,
la munition, une partie de notre équipement personnel, tout
ce qui n’a pu prendre place dans les lits-sacs ou dans les
kdtas et qui ne paraît pas d’absolue nécessité, est cousu soigneusement
dans deux grands sacs qu’on confie jusqu’au
retour au lambadar du village.
Au cours de nos promenades — dont plusieurs à notre
enchanteresse station de bain - - nous récoltons quelques
échantillons minéralogiques intéressants comme documents
géologiques, bon nombre de grande valeur ; plus une quantité
assez considérable de grenats, quelques-uns très gros,
enchâssés dans une gangue de mica vert ou bleu intense
que nous nous proposons de faire tailler et polir en Europe.
Préférant ne pas les laisser aux indigènes, mais ne voulant
pas non plus les transporter sur le glacier, nous les enterrons
une nuit au pied d’un des peupliers sous lesquels nos
tentes sont dressées, comptant bien les retrouver au retour;
mais une épidémie de choléra, qui éclate à Askoley pendant
notre absence, nous empêchera d’y repasser, e f ces trésors
sont encore enfouis au pied de nos peupliers, où ils attendront
bien encore quelques années avant de revoir le jour
et d’aborder eh Europe.
Le 30 mai, à 10 heures du soir, nous fûmes féveillés-par
un tremblement de terre qui dura 2 à 3 secondes; dans la
même nuit, le phénomène se répéta vers 4 heures du matin
d’une façon plus intense encore et plus prolongée-; mais,
chose curieuse, ces violentes secousses ne nous émotionnèrent
pas le moins du monde : tout en nous sentant osciller
sur les couchettes, nous n’éprouvions pas le moindre sentiment
d’insécurité, comme c’eût été le cas dans une maison
ou dans une ville, et cependant les secousses étaient d’une
violence suffisante pour détruire bien des habitations.
Le 2 juin nous eûmes encore une troisième secousse,
mais moins forte que les précédentes ; dès lors, le'phénomène
ne se renouvela plus. Il était d’ailleurs local et sans
corrélation avec d’autres tremblements de terre signalés
cette même année dans l’Himalaya, et qui eurent lieu à une
autre époque dans des régions bien éloignées de celles où
nous nous trouvions en'ce moment.
Askoley, le dernier village de la vallée, à 3200 mètres, est
bâti au haut d’une falaise rongée par le Braldoh, et compte
une centaine d’habitations serrées les unes contre les autres,
aux toits plats, sans étages ; sur la rue principale, où coule
une dérivation du canal d’irrigation, débouchent quelques
ruelles tortueuses, le plus souvent en cul de sac. Tout autour,
du village, de beaux champs en terrasses, ensemencés de
céréales, forment une oasis de verdure au milieu du cône de
déjéction aride.
Il compte une population d’un millier d’âmes : chiffre
d’ailleurs très difficile à déterminer, attendu qu’on ne peut
pénétrer dans les familles et qu’une partie des habitants, les
femmes en particulier, ne sortent que rarement et mettent