en compagnie de Wessely, chargé maintenant de veiller à
son rétablissement.
J’ai laissé valise et tente au camp IX, ainsi que mon
unique porteur Hajip Hassan, un Balti d’Askoley, tout heureux
de l’aubaine d’un jour de flânerie au soleil.
Seul maintenant, je remonte, sans me presser, le glacier
qui présente plusieurs particularités intéressantes à noter ;
je recueille entre autres au fond des petits lacs, de cette
(187.) Glacier de Godwin-Austen et Bride Peak.
poussière que Nordenskjôld appelle cryokonite et que le
professeur Forel m’a prié de rapporter.
J’arrive au camp vers midi, un peu fatigué par la chaleur
assez forte à laquelle je ne suis plus habitué. Le ciel se couvre
de nuages menaçants, toujours poussés par le vent d’ouest,
et peu après la pluie me chasse sous la tente, pendant que
mon Balti va s’abriter sous quelque pierre ; l’orage ne dure
heureusement pas, et dans la soirée je vais explorer plus à
fond, sur le cône d’éboulis qui nous domine, une petite florule
très intéressante, dont plusieurs espèces n’avaient pas
encore été signalées à pareille hauteur, et pour cause 1
La nuit vient ; au milieu de ces séracs suspendus au-
dessus du camp, de ces blocs énormes arrêtés dans leur
chute et qu’un rien suffirait à remettre en mouvement, je
me sens envahir par une sensation d’isolement, de petitesse
surtout, que je n’avais pas encore éprouvée si intense. Est-ce
le fait d’être seul avec un Balti avec lequel je ne puis m’en-
(188.) Camp VIII.
tretenir, que je ne vois même pas, mais que j’entends remuer
autour de la tente?
Les arêtes du Broad Peak, perdues à 8500 mètres, se détachant
en noir, dans un ciel à peine moins noir, et semé
de nuages fantastiques argentés par la lune, me font songer
à cès chapelles mortuaires tendues de noir, où sont alignés
en bon ordre des ossements blanchis par le temps! Mes
réflexions prennent alors un tour macabre.
Mais il me suffit de rabattre le coin de la tente pour que