cordages des tentes, une douce somnolence nous envahit
peu à peu, et bientôt chacun s’endort comme dans la meilleure
cabane de nos Alpes.
Mais le réveil y sera moins agréable. Le fond de la tente
est recouvert d’une couche de neige fraîche qui, malgré
tout, a pénétré à l’intérieur; il n’y a guère plus de différence
entre le dehors et le dedans de nos demeures, et si l’on a
le malheur de faire' quelques mouvements trop brusques,
par toutes les ouvertures des habits pénètrent quelques
parcelles de neige.
Si nous ne voulons
pas être ensevelis
vivants, il faut à
chaque instant se
secouer et balayer
rapidement au dehors
tout ce qui
n’a pas eu le temps
de fondre. Néanmoins,
une humidité
intempestive
remplit toute la
(1G7.) vue au s. du camp x. tente et 1 on vegete
dans une sorte de
buée glacée qui pénètre partout et nous force à nous réfugier
plus au fond de nos sacs d’édredon.
Notre camp est situé à la réunion d’une des arêtes'secondaires
du Ghogori avec une arête semblable du Broad Peak ;
ce n’est en somme qu’une vague plus prononcée du fleuve
de glace qui se prolonge encore en arrière sur une longueur
que nous ne pouvons pas déterminer pour le moment; l’inclinaison
du glacier en amont d’ici est bien moins accentuée
qu’entre les camps IX et X, de sorte qu’on peut facilement
prendre à distance pour un col (« possible saddle » de la
carte de Conway) ce qui n’est en réalité que le bord d’un immense
repli. Cet emplacement est sillonné de crevasses très
profondes, recouvertes en
partie de ponts de neige
plus ou moins solides, et
‘ , au milieu desquels on cir-
(1C8.) Arête S. 0 .
du Cliog’ori.
cule avec quelque
circonspection.
Les tentes sont
massées entre
deux de ces goufifeiOg.)
Camp X
et pentes inférieures
;iVfedu Chog’ori.
fres bleu-noirâtres, qui ont certainement plus de cinquante
mètres de profondeur, et dont on ne peut apercevoir le fond.